Bonjour à tous,
Je viens de lire les carnets d’un pilote de char de l’Ariete, Alberto Tomba, qui a combattu en AFN, jusqu’à la reddition finale des troupes de l’Axe en Tunisie.
J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer les conditions inhumaines vécues par les prisonniers de guerre italiens « confiés » aux Français. L’auteur y apporte ici un nouveau témoignage que je qualifierais « à charge » pour ceux qui pensent encore que ces faits ne sont que le fruit de l’imagination « fertile » de cerveaux fascisants.
Morceaux choisis
« Au carrefour de la route Bou Ficha – Zaghouan nous attendait une patrouille de Marocains (terme couramment utilisé en Italie pour qualifier les troupes coloniales maghrébines de l’armée française, ndtr) à cheval. Je ne vous dis pas ma déception. Ils étaient nu-pieds et misérablement vêtus. Mais à qui nous étions-nous rendus ? Qui étaient ces individus ? De leurs visages émanait un ricanement moqueur. Chacun de leur geste était emprunt d’une brutale méchanceté. Combien d’actes ignobles ont été perpétrés par cette racaille. Il fallait rester bouche fermée. Malheur s’ils apercevaient par hasard une dent en or. Ils la faisaient sauter d’un coup de baïonnette (…).
Le soir, dans les ténèbres, j’ai assisté à des actes indicibles et contre nature commis aux dépens de nos pauvres soldats. Comme on le disait à l’époque, ils étaient violés (« marocchinati » dans le texte) et les malheureux qui avaient été choisis revenaient en pleurant et complètement désespérés. Nous étions amassés les uns sur les autres, dans un espace étroit, et des cavaliers ivres se jetaient sur nous avec leurs chevaux alors que nous étions endormis. (…)
J’ai tant souffert de la soif. Finalement, nous sommes passés (lors d’une très longue marche durant laquelle des dizaines d’hommes ont été abattus parce qu’ils ne pouvaient plus marcher à cause de leurs blessures ou bien sont morts d’inanition ; ndtr) près d’un marigot où pullulaient des moustiques gros comme des libellules. Je m’y suis jeté la tête la première et j’ai à peine eu le temps de boire quelques gorgées d’une eau putride que des baïonnettes me labouraient les côtes et on m’en a chassé à coups de pieds, comme d’autres prisonniers. Quelle différence entre eux et nous ! Nous avions partagé l’eau, la nourriture, les cigarettes avec les prisonniers et eux ne faisaient que nous administrer des coups, et parfois bien pire. (…)
On nous a donné une miche de pain d’un kilo pour 10 hommes, rien de plus, une fois tous les trois jours. (…) Nous avons marché vers un autre camp (….) où on nous a distribué au matin une mince tranche de pain et un verre d’eau où surnageaient les peaux de trois fèves. Tous les matins les cadavres des malheureux qui avaient trépassé étaient retirés des tentes. (…)
Nous avons été embarqués, 40 par wagon, à Pont-du-Fahs, à destination de l’Algérie (« la marche à la mort » [sic] que des milliers d’autres ont accompli à pied, en direction de la région de Constantine ; ndtr). En gare de Blida, nous avons vu les premiers blancs. (…). Souvent le dimanche, des citadins du lieu s’approchaient des barbelés, accompagnés de leurs épouses. Entre une raillerie et l’autre, ils jetaient une croûte de pain rassis dans le camp et s’amusaient à nous voir accourir avidement afin de la récupérer dans la poussière. Ils ricanaient, nous photographiaient et nous appelaient « Mussolini ». Ainsi, outre nous faire crever de faim, ils nous humiliaient continuellement. (…)
Lors d’une récolte de caroubes pour laquelle l’auteur s’est porté volontaire, ce dernier monte sur la balance destinée à la pesée des sacs (ndtr). Je pèse 35 kilos. C’est bien peu par rapport aux 62 que je pesais avant. (…) »
Pour les incrédules, je peux poursuivre et en citer d’autres. A ma connaissance, jamais un historien ne s’est penché sur ces faits. |