Un internaute semble s'étonner que je mentionne les femmes violées d'Esperia, de Freudenstadt ou de Stuttgart (une incongruité ?) et me demande de lui en dire un peu plus sur les viols commis en Italie et en Allemagne par les troupes coloniales françaises.
Comme je l'ai écrit dans une précédente contribution, cette question n'a, semble-t-il, pas beaucoup intéressé les historiens. Les sources sont donc peu nombreuses et l'on doit se contenter d'éléments épars publiés ici ou là. En attendant, peut-être, l'étude que le sujet mérite.
Mais, puisque tout cela semble intéresser cet internaute, il peut se reporter à l'article de Tommaso Baris paru dans la revue Vingtième Siècle en janvier 2007. En voici un résumé :
Durant la campagne d’Italie entre 1943 et 1944, les troupes coloniales du corps expéditionnaire français furent responsables de nombreux actes de violences à l’encontre de la population civile italienne. Les vols, les attaques à main armée, les saccages et surtout les viols furent très fréquents. Initialement, ce ne furent que des actes isolés, commis par des individus seuls, et punis par les autorités alliées, françaises comme anglo-américaines. Au cours de l’offensive victorieuse de l’été 1944 qui permit de franchir la ligne Gustav dans le Latium méridional, les troupes françaises ont obtenu de la part de leurs supérieurs une relative liberté d’action, entraînant des viols de masse. Au début des années 1950, l’Unione Donne Italiane, a recensé environ douze mille victimes de violences sexuelles. Cette organisation communiste féminine a tenté d’obtenir des indemnités pour ces femmes victimes du corps expéditionnaire français. Ces violences sexuelles ont semble-t-il été tolérées comme une « désagréable » conséquence des habitudes guerrières des corps irréguliers, tels que les goumiers marocains. Elles ont aussi été un message clair adressé aux Italiens, et particulièrement à la composante masculine de la population. L’humiliation et l’outrage sexuel contre leurs femmes ont servi à réaffirmer leur nature de vaincus lors de ce conflit.
J.C Notin évoque également ces événements dans son livre La Campagne d'Italie pour en minorer l'importance.
S'agissant des viols commis en Allemagne, ceux-ci sont évoqués dans un ouvrage récent de Giles MacDonogh (After the Reich). Ce dernier parle de 600 femmes violées à Freudenstadt et de plus de 3000 à Stuttgart. Sans surprise, les chiffres varient. Les auteurs du documentaire La Face cachée des Libérateurs basé sur les travaux de J. Robert Lilly avancent, eux, le chiffre de 1198 viols pour la ville de Stuttgart, établi, semble-t-il, d'après les registres de la police locale.
Les événements de Stuttgart auraient été évoqués devant le Sénat américain le 17 juillet 1945 et un total de plusieurs milliers de femmes violées annoncé. A vérifier, si notre internaute en a le temps et l'envie.
Des choses également côté allemand dans le livre de Gerhard Hertel, Die Zerstörung von Freudenstadt, et dans un certain nombre de revues, livres, documentaires qui reprennent des témoignages de civils allemands et citent des estimations allant de 500 à 1200 victimes pour Freudenstadt et de 1200 à 5000 victimes pour Stuttgart.
Enfin, je suggère à cet internaute visiblement sceptique de s'entretenir de cette question avec des anciens de la Ière Armée qui lui confirmeront que les viols commis par les troupes coloniales et tolérés par le commandement, en Italie puis en Allemagne, ne sont en rien un fantasme. Il ne me semble d'ailleurs pas que leur existence soit contestée. |