Libre à vous de fustiger les travaux d'un spécialiste tel que Jean-Louis Crémieux-Brilhac. Vous n'êtes pas sans ignorer les nombreuses remarques amusées délivrées par de "vrais connaisseurs", sinon des historiens de métier, à propos de votre thèse d'un Moulin antigaulliste, elle-même largement fondée, il me semble, sur un lieu de rendez-vous...
Pour en venir au vif du sujet, Carte, il est tout a fait exact que je démonte votre thèse, sans d'ailleurs y faire une seule fois référence. Le rapport Bodington, auquel vous faites allusion, infirme d'ailleurs celle-ci : de mémoire (je n'ai pas votre livre sous la main), je me souviens y avoir lu que Bodington avait, selon vous, donné son accord aux livraisons d'armes demandées par Carte en connaissant, dites vous, leur impossibilité sur un plan matériel. Il y aurait donc eu, si l'on vous suit, mensonge délibéré. Or, vous passez sous silence les démarches effectuées par Bodington auprès de la Royal Navy et la colère que provoque chez lui le peu d'empressement manifesté par la marine britannique... qu'il évoque pourtant dans son fameux rapport.
De plus, j'ai utilisé dans mon travail de nombreuses autres sources, dont le dossier André Girard ouvert très récemment par les archives britanniques. Il suffit de lire les propos de Buckmaster, chef de la section F du SOE, entre autre, pour se rendre compte que Carte n'eut jamais une quelconque fonction d'intox.
Enfin, je trouve extrêmement dangereux, d'un point de vue historique, de fonder une hypothèse sur "la suite des événemements" : il en résulte, au mieux, une lecture téléologique, qui fausse totalement la vérité des faits. Ce qui est, me semble t-il, le cas dans votre version de l'affaire Carte. Car l'effondrement du réseau résulte, je le démontre dans mon livre, d'une conjonction de facteurs (tension internes, répression, modification de la politique anglaise à l'égard du gaullisme...) et non de l'inutilité qu'aurait eu cette organisation une fois Torch menée à bien.
Cordialement,
Thomas Rabino. |