Nicolas Bernard persiste à se réfuter lui-même.
Tout le problème en ce qui le concerne vient de ce qu’il ne s’en rend pas compte. Il nous faut donc l’y aider.
Lisons le. Il écrit, citant Klarsfeld :
Les ordonnances allemandes du Commandant militaire doivent être appliquées en zone occupée par l'Administration française. Quant aux lois et aux décrets du Gouvernement de Vichy, ils sont valables non seulement pour la zone libre, mais aussi pour la zone occupée, à condition toutefois qu'ils ne contredisent pas les ordonnances allemandes. L'existence du Gouvernement de Vichy, institué pour toute la France à titre de pouvoir souverain, confère aux services officiels français en zone occupée la qualité d'émanations du Gouvernement de l'Etat français, sous l'égide duquel ils travaillent. Les ministères de Vichy ont, en effet, leurs représentants en zone occupée auprès du Commandant militaire allemand. Ainsi, chaque acte des services français en zone occupée est un acte de l'Etat français."
Là je reprends la plume et je vous demande :
Quelle interprétation donnez-vous à cet « à condition toutefois qu'ils ne contredisent pas les ordonnances allemandes » ?
Je n’en vois personnellement qu’une seule : si les Allemands estiment que les lois et décrets du gouvernement de Vichy contredisent les ordonnances allemandes, ces lois et ces décrets cessent d’être applicables et restent lettre-morte. Autrement dit, les Allemands sont souverains et l’autorité de Vichy sur la zone occupée en 40-41-42 n’existe qu’autant que les Allemands la tolèrent. Un peu comme le pouvoir d’Hérode (ou de Caïphe) sous Ponce Pilate. Certes Caïphe veut tuer Jésus, mais il doit en demander l’autorisation à Ponce Pilate. Celui-ci voudrait bien ne pas tuer Jésus, mais il ne veut pas avoir d’ennuis avec le peuple qu’il a à charge d’administrer, le plus possible sans faire de vagues. Ce qui fait qu’ il donne satisfaction à Caïphe. En France, la situation sera inversée. C’est Ponce Pilate (Hitler, Himmler, Heydrich, Dannecker, Oberg…) qui voudra tuer Jésus (les Juifs) et Caïphe (Vichy-Pétain-Laval) qui veut le sauver. Malgré l’envie qu’il peut en avoir de tuer Jésus(les Juifs), Himmler est freiné par Pétain (Caïphe). Et ça marche. Jésus sera sauvé. Enfin, presque.
Si vous comprenez cela différemment, dites le moi, et je ne demande qu’à m’instruire. Toutefois la suite des évènements devait donner raison à cette interprétation comme l’ont prouvé les trois déportations (en France) de Juifs de 1941 et celle du 27 mars 1942 (en Pologne) contre lesquelles Vichy n’a rien pu faire.
Vichy n’a rien pu faire non plus contre l’ordonnance allemande du 27 septembre 1940 ordonnant le fichage des Juifs. La Préfecture de Police y mit parait-il un zèle intempestif, comme si elle avait voulu montrer aux Allemands son excellence professionnelle (J. Delarue).C’est possible et même probable, mais, d’une part, Vichy n’y fut pour rien et seule la Préfecture de Police, vu son statut particulier, en porte la responsabilité, et, d’autre part, ce fichage était devenu nécessaire à partir du moment où la loi sur le statut des Juifs existait. Et nous avons vu que c’est grâce à cette loi que Vichy parvint à continuer d’exercer ce précieux semblant d’autorité sur cette zone qui devait montrer son efficacité au printemps et à l’été 1942, car, comme on dit à l’EHESS, il y a dans une apparence toujours quelque chose de plus qu’une apparence.
A ce stade de la controverse, Nicolas Bernard, (ou Ghémard ou Deleu, je ne sais plus), objecte une lettre d’un magistrat belge ou celle d’un délégué du comité des Secrétaires généraux faisant référence aux conventions de La Haye et qui aurait eu une certaine efficacité pour empêcher les Allemands de commander directement à la gendarmerie belge, mais qui n’en aurait eu aucune en ce qui concerne la police belge. Et, de fait, la Belgique eut la chance, que n’eurent ni la France ni les Pays-Bas, de n’avoir ni Dannecker ni Seyss-Inquart à faire du zèle anti-juif derrière le dos de l‘autorité en titre des MBH. Le général von Falkenhausen, à Bruxelles était comme Otto et Heinrich von Stulpnagel, à Paris, un gentilhomme de la vieille école qui respectait les valeurs humanistes traditionnelles (et oui, elles n’étaient pas devenues obsolètes pour tout le monde !). Or, ils cessèrent tous les trois d’avoir la Jugenfrage à charge après la Conférence de Wannsee, de sorte que les Juifs belges furent déportés et tués dans une plus forte proportion que les Juifs français, mais moins, toutefois, que les Juifs bataves.
Et, de toute façon, le cas de la Belgique diffère de celui de la France. Celle-ci avait(en plus d’autres problèmes comme les bases de l’Empire ou la flotte à préserver de la convoitise du vainqueur) à gérer le problème d’empêcher les Allemands d’avoir envie d’envahir la zone libre (opération Attila, puis Anton).
Donc, l’affaire est jugée : la volonté allemande prime sur la volonté française dans tous les cas où un conflit d’interprétation vient à se produire.
Nicolas Bernard , lui-même, s’il avait été au pouvoir à la place de Pétain, n’aurait pu mieux gérer une situation aussi difficile.
Implicitement, Klarsfeld l'a reconnu quand il a, fort maladroitement d'ailleurs, reproché à Sabatier de ne pas être passé par Laval pour protéger les Juifs de Bordeaux. |