"Vers 6 heures du matin, flanqué de mon gardien de la paix, je me présente au domicile de Mme Fuhrmann, 1, passage Saint-Sébastien. J’y trouve une jeune femme , âgée d’environ 27 ans, et son petit garçon, âgé d’environ 7 ans. Mme Fuhrmann est habillée, son petit garçon aussi. Peut-être avait-elle été alertée par les cris d’autres Israélites du passage Saint-Sébastien, déjà arrêtés et qui faisaient route avec leurs balluchons vers le préau de l’école ? En toute objectivité, je dois dire que j’avais traîné le plus possible sur le parcours qui me conduisait du gymnase Japy au passage Saint-Sébastien. Sans doute suis-je arrivé encore cinq minutes trop tôt… Que faire ? Mon gardien de la paix était là, calme, silencieux, il suivait le déroulement des opérations dont j’avais l’initiative. Il n’avait pas l’air d’apprécier beaucoup ce genre d’opération et j’ai failli le mettre en confidence, mais des "précédents" me sont revenus à l’esprit... alors je fais mine d’exécuter les ordres reçus. Après des instants douloureux (l’enfant s’accrochait à la robe de sa mère et criait : "Maman, on va nous déporter !") je peux me trouver seul avec Mme Fuhrmann. Je lui demande de me faire confiance, de me suivre sans histoires, et je lui affirme que je ferai tout pour la sauver, elle et son enfant. Elle me regarde dans les yeux et me dit : "Je vous crois et je vous suis." C’est ainsi que vers 7 heures du matin, Mme Fuhrmann et son fils se trouvent dans le préau de l’école pour être ensuite transportés par un autobus parisien vers le sinistre Vel d’Hiv’. Quant à moi, je prends congé de mon gardien de la paix, je rends compte de ma mission et je rentre bouleversé à mon domicile. Quel drame pour moi… Je revois sans cesse cet enfant qui pleure, qui crie et qui s’accroche aux vêtements de sa mère. J’ai promis de les sauver, je les sauverai, mais comment ?"
"La vaste enceinte grouille de haut en bas. Avant d’y pénétrer, nous voyons à l’extérieur dans une courette un pompier distribuer de l’eau à des enfants, au bout d’un tuyau d’incendie qui s’alimente dans la rue. Il n’y a donc pas d’eau à l’intérieur. Dès l’entrée, de nombreux ballots épars, des hardes enveloppées dans des édredons ficelés, des valises, des sacs de tous genres. Interrogés, les gendarmes répondent : objets perdus. Nous pénétrons sur la piste centrale par le tunnel. Spectacle. Une foule énorme dans des tribunes où les fauteuils paraissent tous occupés. A l’examen, on constate des milliers de gens assis, occupant avec leurs ballots et valises les fauteuils autour d’eux. Sur le terre-plein central, des enfants courent et semblent jouer, pourchassés par des gendarmes qui ont l’ordre de les faire remonter dans les gradins. De temps en temps, des jeunes gens apportent des baquets d’eau et tous s’y précipitent pour remplir leurs quarts, leurs casseroles, ou de simples boîtes de conserve. Sur la piste, à droite en sortant du tunnel, des brancards sont posés où geignent des femmes et des enfants étendus. Dans une petite enceinte à gauche, la Crois-Rouge a installé une ambulance où s’affairent des infirmières et les deux médecins. On a l’impression qu’il n’y a que des enfants et des malades. Pour cet ensemble, on n’a amené qu’une cinquantaine de brancards et matelas. [...] Une femme, devenue folle, est liée sur un brancard ; une autre a cherché à tuer son enfant avec une bouteille. Un autre enfant fut amené, les veines du poignet presque sectionnées par sa mère."
"Cependant, mon petit frère et moi avions soif. Nous voulions aller aux cabinets. Mais impossible de passer dans les couloirs de sortie et, comme les autres, nous avons dû nous soulager sur place. Il y avait de la pisse et de la merde partout. J’avais mal à la tête, tout tournait, les cris, les grosses lampes, suspendues, les haut-parleurs, la puanteur, la chaleur écrasante. Assise près de nous sur les gradins, une femme très belle serrait un petit garçon de deux ans dans ses bras. Un garçon aux boucles brunes, au teint mat délicatement rosé. Je voyais sa mère l’enlacer sauvagement, couvrir son visage de baisers. Je pensais : comme elle l’aime. Il n’y avait plus rien à boire et à manger. Un jour, des femmes au voile bleu sur la tête ont distribué de la nourriture. Au milieu des cris et de la bousculade, on nous donna une madeleine et une sardine à la tomate. J’ai grignoté le dessus bombé de la madeleine en laissant fondre lentement les miettes sucrées dans ma bouche, j’ai mangé la sardine en léchant d’abord la tomate qui la recouvrait. C’était délicieux. Je ne me souviens pas avoir mangé autre chose au Vel d’Hiv’. Rien d’autre. Après, nous avons eu très soif. Les lèvres et la langue étaient desséchées, mais il n’y avait rien à boire. Sur les gradins, près de nous, une femme s’est subitement affaissée. Elle était morte."
"C’est quelque chose d’horrible, de démoniaque, quelque chose qui vous prend à la gorge et vous empêche de crier. [...] En entrant, tu as d’abord le souffle coupé par l’atmosphère empuantie et tu te trouves dans le grand vélodrome noir de gens entassés les uns sur les autres, certains avec de gros ballots déjà sales, d’autres sans rien du tout. Ils ont à peu près un mètre carré d’espace chacun quand ils sont couchés et rares sont les débrouillards qui arrivent à se déplacer de dix mètres dans les étages. Les quelques W.C. qu’il y a au Vel d’Hiv’ (tu sais comme ils sont peu nombreux) sont bouchés. Personne pour les remettre en état. Tout le monde est obligé de faire ses déjections le long des murs."
Lebel a raison. Le déficit de latrines n'a pas été retenu, ni comme crime contre la paix, ni comme crime de guerre, ni comme crime contre l'humanité par aucun des trois tribunaux internationaux qui ont existé à ce jour.
Ni celui de Nuremberg qui jugea des crimes nazis, ni celui de Tokyo qui jugea des crimes japonais (Nankin, Corregidor ..) ni celui de La Haye, qui jugea des crimes commis en Yougoslavie et en Ouganda, n'ont retenu le déficit de latrines comme motif d'inculpation.
Mais ils ont eu tort.
Lebel va certainement faire le nécessaire et protester vigoureusement pour que cesse ce scandale évident, cette atteinte aux droits de l'Homme en même temps que cette carence incroyable de la législation pénale internationale.
*** / ***
|
|
1 | ![]() | Et toujours à propos de Vent printanier... de Nicolas Bernard 14 déc. 2009 15h41 |
1 | ![]() | Des livres pour les aveugles de Francis Deleu 14 déc. 2009 16h36 |
2 | ![]() | 17-18 juillet 1942 : Himmler inspecte Auschwitz de Nicolas Bernard 14 déc. 2009 17h21 |
3 | ![]() | 19 juillet 1942 : le premier convoi part de Drancy pour Auschwitz de Nicolas Bernard 14 déc. 2009 17h36 |
4 | ![]() | Les enfants, aussi de Nicolas Bernard 14 déc. 2009 17h51 |
4 | ![]() | Un livre pour les aveugles (2) de Francis Deleu 14 déc. 2009 18h35 |
1 | ![]() | Ce copié-collé vous juge de Boisbouvier 14 déc. 2009 19h02 |
2 | ![]() | Bon là, y en a marre ! de Nicolas Bernard 14 déc. 2009 20h11 |
3 | ![]() | A propos d'un copié/collé de Jean 15 déc. 2009 17h39 |
4 | ![]() | Prudence. de Boisbouvier 15 déc. 2009 19h11 |
5 | ![]() | Et Boisbouvier va faire le clown ! de Jacques Ghémard 15 déc. 2009 20h10 |
6 | ![]() | Au secours de Boisbouvier 15 déc. 2009 22h04 |
7 | ![]() | Evidemment, c'est de l'histoire ! de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 10h10 |
5 | ![]() | Même moi, ils m'ont coupé le sifflet de Auteur anonymé 15 déc. 2009 22h31 |
6 | ![]() | Mémoire courte de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 10h19 |
6 | ![]() | Mémoire partiale de Nicolas Bernard 16 déc. 2009 11h21 |
5 | ![]() | Cher BB de Jean 16 déc. 2009 08h57 |
6 | ![]() | Justement, question pour vous de Nicolas Bernard 16 déc. 2009 10h00 |
7 | ![]() | Répondez, c'est l'office du Tourisme de Auteur anonymé 16 déc. 2009 10h32 |
4 | ![]() | Il me semble... de Nicolas Bernard 15 déc. 2009 19h44 |
5 | ![]() | Le choc des photos. de Boisbouvier 15 déc. 2009 22h01 |
6 | ![]() | Dementez moi donc , M. Boisbouvier de Léon BEL 15 déc. 2009 23h31 |
7 | ![]() | Pétain boisbouviériste... dans une certaine mesure de françois delpla 16 déc. 2009 07h03 |
8 | ![]() | Pétain et le rabbin. de Boisbouvier 16 déc. 2009 08h37 |
9 | ![]() | Les paroles de Pétain sont des preuves ? de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 09h57 |
10 | ![]() | Esquive, es-tu là ? de Boisbouvier 16 déc. 2009 14h10 |
11 | ![]() | Enfin il est arrivé ! de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 14h34 |
9 | ![]() | répartition des rôles de françois delpla 16 déc. 2009 11h10 |
10 | ![]() | Pétain et non Maurras. de Boisbouvier 16 déc. 2009 16h32 |
8 | ![]() | Nous pouvons être antisémites sans Hitler ! de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 10h05 |
9 | ![]() | Vichy a joint l'utile à l'agréable de Nicolas Bernard 16 déc. 2009 10h17 |
7 | ![]() | Dites m'en plus. de Boisbouvier 16 déc. 2009 08h01 |
7 | ![]() | Non, on ne peut pas être d'accord de Jean 16 déc. 2009 09h08 |
8 | ![]() | en effet , Jean de Léon BEL 16 déc. 2009 11h32 |
9 | ![]() | Deux leviers de Boisbouvier 16 déc. 2009 14h05 |
10 | ![]() | Et alors, et alors, et alors ... tsoin tsoin de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 14h28 |
11 | ![]() | Lapsus révélateur de Boisbouvier 16 déc. 2009 16h18 |
12 | ![]() | Je m'allonge ! de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 17h33 |
6 | ![]() | Ghémard au pouvoir ! de Jacques Ghémard 16 déc. 2009 09h43 |
6 | ![]() | ... ou la répétition des "erreurs" déjà réfutées ? de Nicolas Bernard 16 déc. 2009 09h49 |
7 | ![]() | Médecin, soigne toi toi-même ! de Boisbouvier 16 déc. 2009 16h49 |
8 | ![]() | Pffffff .... de Francis Deleu 16 déc. 2009 17h11 |
4 | ![]() | Arrète de jouer sur les mots .... de Léon BEL 15 déc. 2009 19h51 |
5 | ![]() | Si j'ai bien compris... de Nicolas Bernard 15 déc. 2009 19h58 |
Pour contacter les modérateurs : cliquez !
contribution.php bidouillé par Jacques Ghémard le 8 9 2010 Hébergé par PHP-Net Temps entre début et fin du script : 0.01 s  5 requêtes