... en attendant une réponse dont le rétard laisse espérer qu'elle sera très réfléchie, ce dont je me réjouis fort. A la fois pour le débat en général, et pour ma gouverne en particulier, si enfin Nicolas, ou quelqu'un d'autre, me fait une objection sitmulante, ce qui a été le cas dans un passé désormais un peu éloigné.

Je voudrais développer un peu ceci :

***A Nuremberg, Göring aurait dû, dis-tu, se défendre en disant qu'il pensait qu'il s'agissait de déportation pure et non en essayant d'imposer une traduction fautive du terme Endlösung. Je ne vois pas que cela s'oppose. L'un mène à l'autre. Il s'agit toujours de minimiser son rôle et son information. Toi tu dis que plus il nie et s'énerve en niant et plus il prouve qu'il sait : peu convaincant.***

Le terme "Endlösung" est assez vague. Il s'agit de régler définitivement un problème ou ce qu'on prétend tel. Cela n'implique pas qu'on tue des gens et ne l'exclut pas non plus. En revanche, quatre à cinq ans plus tard, le meurtre d'environ six millions de personnes a donné à l'expression une coloration probablement indélébile.

C'est cette pente-là que l'accusé Göring a à remonter... sauf à adopter le système de défense de Speer : oui c'est affreux, j'ai ma part de responsabilité collective et probablement vais le payer très cher, mais j'ai tout ignoré des meurtres et d'ailleurs j'ai cherché à tuer Hitler -non parce qu'il tuait des Juifs car encore une fois je l'ignorais, mais parce qu'il prolongeait en pure perte une guerre perdue.

Göring a choisi une autre ligne : c'était la guerre, fallait obéir, la nature humaine est violente, d'ailleurs avec la bombe atomique on va bientôt tous y passer... mais la guerre ça doit se mener avec honneur, le meurtre des Juifs n'est pas honorable et il n'était le fait que d'une bande de psychopathes dissimulateurs.

Oui mais voilà, il y a, en bonne place parmi les pièces à charge, cette lettre du 31 juillet 1941, où l'accusé commande à Heydrich le plan d'une Endlösung de la question juive en Europe. Vu le sens qu'a pris l'expression dans les années suivantes, il est capital de faire remarquer que "finale" ne veut pas dire qu'il s'agissait de mettre fin à la vie de chaque Juif, mais bien à la présence de tous dans les territoires contrôlés par le Reich. Pour cela, Göring choisit en particulier un moyen : contester la traduction anglaise de "End-", final, et prétendre qu'il faut traduire par total.

Cela peut paraître curieux, voire désespéré, mais se révèle efficace : le procureur, puis le tribunal, admettent la rectification. Seulement la portée de cette victoire est très limitée : Jackson, suivi par le tribunal, riposte en montrant que la position hiérarchique de Göring n'a pas pu lui permettre de tout ignorer des meurtres, et qu'il n'a pas levé le petit doigt pour les empêcher. Au demeurant, il a signé cette commande et ne saurait être tenu quitte de la façon dont elle a été exécutée.

Conclusion : le document du 31 juillet est pénalement accablant, nous sommes bien d'accord là-dessus, mais historiquement la preuve que Göring savait à l'avance quel contenu allait revêtir l'expression Endlösung ne me semble pas avoir été apportée, ni par l'accusation en 1946, ni, depuis, par les historiens.