Je ne trouve pas du tout ton hypothèse inintéressante, du moins concernant Heydrich, mais je me formule diverses objections. Avant tout, la fonction des SS. Ce sont les Jésuites du Führer, une troupe faite pour tourner l'appareil ordinaire en permettant au chef d'imposer directement et rapidement ses vues : je ne vois pas le pape saper l'autorité du Général de la compagnie en intriguant avec son second, ni le second lui-même, d'ailleurs, se prêter à un tel jeu, qui lui ferait récupérer, en cas de succession, un appareil troublé et divisé. Tout au plus y a-t-il eu, comme je le disais, une révélation personnelle du projet de génocide, assortie d'une consigne de silence : rien ne serait plus nuisible à la cohésion des SS qu'un intrigue d'appareil où x cadres dépendant de Heydrich seraient mis au courant d'un tel projet avec consigne de la boucler devant Himmler.
En revanche, cette grille d'analyse marche vis-à-vis de l'extérieur : là il faut présenter les SS comme traversés d'inexpiables rivalités, comme tout l'appareil gouvernemental allemand l'est (présenté, pas traversé !) depuis le 30 janvier 33.
D'où par exemple le désopilant discours sur Heydrich et son "sang juif" tenu par Himmler à Kersten peu après sa mort :
Quant à Göring, après des mois passés à étudier l'accusation produite contre lui à Nuremberg et sa défense, je conclus fermement qu'il a joué un rôle secondaire dans les génocides, que c'est pour le compromettre (et l'engager, au cas où il aurait succédé à Hitler après quelque attentat) qu'on lui a fait signer la commande à Heydrich d'un plan de "solution finale". Cela dit, qu'a-t-il su exactement et quand ? Mystère, donc prudence.
En tout cas, le dialogue avec Jackson que tu invoques comme une preuve décisive n'en est guère une : vu la place de sa lettre à Heydrich de juillet 41 sur la "solution finale" dans la panoplie de l'accusation, il était on ne peut plus normal qu'en 1946 il se défende bec et ongles en prétendant qu'il pensait ne signer qu'un document relatif à des déplacements de populations. Sa peur que le document soit compris comme un programme de meurtre rapide n'est nullement une preuve qu'en juillet 1941 il mettait ou discernait derrière l'expression "solution finale" un tel programme.
En fait il était déjà dessaisi de la question, comme tu le montres toi-même, ou plus exactement n'en avait jamais été saisi (au sens de chargé; encore une fois, son degré d'information est difficile à déterminer).