Cette affaire illustre les tentatives d'infiltration négationnistes du milieu universitaire.
Henri Roques, ingénieur agronome à la retraite et militant d'extrême droite, avait réussi, en 1985, à soutenir une thèse de doctorat consacrée à l'étude de
des dépositions de feu l'officier S.S. Kurt Gerstein, qui avait assisté à des gazages en 1942 dans le cadre de
l'opération Reinhard, l'extermination des Juifs de Pologne (voir ces autres excellentes contributions d'"Eddy März"
sur ce fil). Marchant sur les traces de
l'escroc mythomane Paul Rassinier, qui avait tenté d'éliminer ce témoignage,
et s'était fait joliment réfuter par Georges Wellers, Roques était parvenu à réunir un jury marqué à l'extrême droite, ce qui ne pouvait que faciliter la réalisation de ce coup de force. Pour ce faire, avaient été rameutés à l'Université de Nantes plusieurs professeurs extérieurs à cet établissement, en violation des textes règlementaires applicables.
Ce mépris du Droit s'accompagnait d'une falsification de l'Histoire. Que la "thèse" en question ait largement suivi la
méthodologie négationniste a été démontré par Georges Wellers, "A propos d'une thèse de doctorat explosive",
Le Monde juif, mars 1986, p. 1-18, et Pierre Bridonneau,
Oui, il faut parler des négationnistes, Editions du Cerf, 1997. Cette "thèse" n'en fut pas moins soutenue et validée, du fait de ce coup monté.
La "thèse de Nantes", ou plutôt "foutaise de Nantes" fut annulée pour vice de forme par décision de l'administrateur provisoire de l'Université de Nantes le 3 juillet 1986. Le jugement (fort complexe) du Tribunal administratif de Nantes en date du 18 janvier 1988 confirma la légalité de cette décision (voir T.A. Nantes, 18 janvier 1988,
A.J.D.A., 1988, p. 287-290, note Joël-Yves Plouvin, et
Revue juridique de l'Ouest, 1988, n° 1, p. 7-32, note Didier Truchet).
Le Conseil d'Etat, par décision du 10 février 1992, rejeta le pourvoi d'Henri Roques (
C.E. 10 février 1992 Roques, n°96124, Rec. Leb.). La Haute Juridiction tint compte des innombrables vices de procédure ayant affecté la soutenance de la thèse, et démontrant la réalité d'une véritable manipulation, le Conseil d'Etat soulignant notamment ceci :
"Considérant, d'autre part, que, en violation des dispositions de l'article 7 du décret susvisé du 8 février 1954 sur le doctorat d'université, sous le régime duquel restait placée l'université de Nantes en vertu des délibérations du conseil de cet établissement en date des 10 mars 1975 et 14 décembre 1979, le président du jury de thèse était un universitaire étranger à l'université de Nantes et la moitié du jury était composée de professeurs également étrangers à cette université ; que ledit article 7 exige que l'un des membres du jury soit obligatoirement le professeur qui a dirigé les travaux du candidat ; que, dans la mesure où M. Rivière, professeur à l'université de Nantes, n'a pu, dans le très court délai séparant l'inscription de M. Roques à Nantes de la soutenance de sa thèse, jouer effectivement ce rôle, et où il n'est pas allégué qu'un des autres membres ait pu le jouer, cette disposition n'a pas été non plus respectée."