Je crois qu'il faut distinguer le statut des Juifs et l'abrogation du décret Crémieux (donnant la nationalité française aux Juifs d'Algérie) comme deux marches d'un même escalier assez distantes, la seconde étant beaucoup plus basse que la première.
Dans la danse de séduction de Vichy vis-à-vis de Hitler, il y a d'un côté les gestes de bonne volonté, qu'on fait gratuitement ou presque pour "mettre en confiance", et puis la grosse artillerie, plus compromettante. Dans ce triste octobre, la plus haute marche est l'offre faite à Montoire de faire parler la poudre contre les Anglaise en AEF (découverte concomitante de Philippe Burrin et de moi-même en 1995-6). Le 18, le statut est un sacré pas. Retirer la nationalité en Afnord, beaucoup de pieds-noirs ayant mal encaissé le décret, c'est nettement plus anodin.
Pour enrichir notre discusison, j'ai découvert récemment une perle.
La pression exercée par la presse de zone nord (étroitement contrôlée par Abetz)... surtout quand elle relaye des publications d'outre-Rhin, est hélas à peu près entièrement négligée par les sourciers de la législation pétainienne.
Je viens d'en dégotter un échantillon assez éloquent, concernant notamment la franc-maçonnerie (une question, pour les nazis, connexe de celle des Juifs), mais aussi les journalistes, les intellectuels et bien sûr, en filigrane, les Juifs, ces éternels empêcheurs de bonnes relations franco-allemandes. C'est dans le Matin du 1er août 1940, citant la très officielle Deutsche Diplomatische Korrespondenz parue à Berlin la veille. Le journal français résume la prose de l'organe du ministère de Ribbentrop : il
s'étonne que ne soient pas visés par le futur procès de Riom (censé juger les "responsables de la guerre")
"ceux qui ont semé la haine de Allemagne et l'aversion du gouvernement allemand dans le public français",
puis cite directement la source germanique :
"Du fait que ces milieux ne sont pas visés, l'instruction contre les coupables de guerre ne saurait inspirer aucune confiance à l'Allemagne, car certains agitateurs, à peine déguisés, peuvent se croire autorisés à continuer leur jeu.
On ferait bien à Vichy de méditer à fond sur la portée de ces méthodes relativement à l'avenir de la nation française."
Deux jours plus tard, à l'issue du conseil des ministres, on annonçait la mise en chantier par Alibert d'une loi sur les sociétés secrètes ! |