Vous me fournissez l'occasion rêvée de démontrer par quel moyen Vichy parvint à tenir en lisière les exigences allemandes en matière de déportation des juifs de France (et pas seulement des Juifs français).
En obtenant de Heydrich d'abord (en mai 42) et d'Oberg et de Knochen ensuite (en juin et en août 42) que la police française de zone occupée cesse d'obéir au-to-ma-ti-que-ment à l'autorité d'occupation, Bousquet a réussi un vrai coup de maitre car, désormais, pour arrêter-déporter-assassiner les Juifs, les Nazis, représentés à Paris par les chefs SS Oberg et Knochen devront passer des accords préalables avec le gouvernement de Vichy et plus spécialement avec Laval ministre de l'Intérieur et principal ministre.
Or, que voit-on alors ?
On voit ce même Laval tant vilipendé, tant haï, tant maudit pourtant, refuser à plusieurs reprises les demandes de dénaturalisations ou d'arrestations des autorités allemandes.On voit Eichmann s'irriter contre Röthke, successeur de Dannecker en tant que son correspondant à Paris car il ne parvient pas à tenir les quotas. On voit Oberg se plaindre à Himmler des embarras que lui cause Vichy pour ces déportations que Vichy refuse d'effectuer et qu'il ne peut plus effectuer lui-même. On voit Himmler renoncer à déporter les juifs français "pour le moment".
Rien de tout cela n'aurait été possible pour la zone occupée d'abord et pour les deux zones ensuite, si le coup de maitre de Bousquet ne s'était pas produit au printemps 42.
La police de zone occupée aurait, en 42-43-44, obéi au-to-ma-ti-que-ment à l'autorité d'occupation comme elle l'avait fait jusque-là.
Comprenez-vous maintenant pourquoi, à Jacques Attali qui lui demandait "Comment pouvez-vous fréquenter un tel homme (Bousquet)?", Mitterrand a répondu "Ceux qui n'ont pas connu (ou vécu ?) cette époque ne peuvent pas comprendre. La moitié des gens avec qui vous avez diné ce soir doivent à Bousquet d'être encore en vie" ?
En cassant l'automatisme, Vichy a réussi un coup politique superbe. |