Nous avançons, mine de rien ! Tu reconnais que la date du 3 octobre n'a d'autre référence que le JO du 18. Reste à reconnaître que la dictature de Vichy ne recule pas devant le mensonge et nous serons rendus : lorsque ce JO est pièce unique, l'info est douteuse -> plus aucune raison de parler de statut du 3; on ne va pas non plus le dater du 1er, jour où il est secret et humblement soumis à la censure de l'occupant. "Statut du 18 octobre" reste seul en lice. Et on évite définitivement que des gens d'aussi bonne foi que Lucie Aubrac racontent des licenciements de collègues juifs, en application du statut, dans la première quinzaine d'octobre. Il y en a peut-être eu, mais pas en application du statut.
Tu ne vois pas où Lambauer dément Paxton ? Relis tranquillement la citation et trouve-m'en une où l'Américain évoque, pour l'année 1940, la moindre "interdépendance franco-allemande en matière de politique antisémite".
Tu te méprends sur la portée du livre de Chambrun à partir de sa date et de son auteur : il est publié en 1984 mais la citation est de 1945, et de Laval lui-même, répondant à l'acte d'accusation.
Les "dénaturalisations de 1938" me sont inconnues. Daigne éclairer ma lanterne.
Encore une fois, la politique des gouvernements Daladier et Reynaud a des relents xénophobes qui peuvent amener à persécuter (d'une manière très "soft" par rapport à ce qui va suivre) des Juifs fraîchement immigrés, mais rien de spécifiquement antisémite... et elle a d'ailleurs aussi des motivations de politique extérieure : le problème de ces gens c'est que la guerre ils ne la font pas et que l'hitlérisme ils ne font rien de concret contre, alors qu'il menace à très court terme la survie de leur patrie. Alors il faut bien faire semblant, au moyen de la politique intérieure : révocation des instits grévistes du 30 novembre 38 au motif que dans une période pareille la grève est un crime de lèse-patrie, surveillance des étrangers etc.
Bref là encore, prétendre que la IIIème République était en train de tourner à la dictature antisémite sans tenir compte du contexte international en général et des manoeuvres hitlériennes en particulier, c'est non seulement une assimilation très abusive de deux périodes que le cataclysme du printemps 40 rend radicalement différentes, mais c'est de l'histoire à courte vue, voire du racisme anti-français.
Ce qui peut-être contribue à t'abuser, c'est le besoin qu'on les vichystes, vis-à-vis de leur propre opinion publique, comme des Anglo-Saxons, de ne pas paraître imiter servilement l'Allemagne. D'où une grande insistance sur le côté "français" des mesures. D'où peut-être aussi cette "aggravation" par rapport aux lois de Nuremberg, qu'il faut relativiser : il s'agit uniquement de la question du conjoint (qui n'a besoin que de deux grands-parents juifs pour l'être lui-même, si son conjoint en a trois; en ces temps endogamiques, la portée concrète doit être assez restreinte). Dans ce cas l'avantage est double : accréditer la légende d'une législation spécifiquement française, tout en séduisant encore plus l'occupant. Ou en l'espérant, car tu as raison de dire que l'occupant n'est pas ravi. Mais attention, là encore, aux jeux de rôles et au jeu tout court ! Le jeu hitlérien n'est pas de nazifier la France de Vichy mais de la maintenir dans un entre-deux où elle bosse et ne bouge pas.
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