Bonsoir Laurent, bonsoir à tou(te)s,
Plutôt que de m'aventurer sur un sujet que je maîtrise très mal, je cède volontiers la plume à Jean Planchais. Le début de l'extrait se situe au 15 mai 1949, date du retour de mission aux Etats-Unis du général Revers.
*** (...) A son retour le 15 mai, il reçoit sa cinquième étoile et part pour l'Indochine. Il y restera un mois. Roger Peyré, qui était, nous l'avons vu, son "antenne" dans les milieux politiques parisiens, et un agent du SDECE , lui a ménagé de nombreux contacts, dans des milieux peu favorables à la politique du haut-commissariat, M. Pignon et à celle des ministres MRP Le chef d'état-major entend définir non seulement une stratégie mais une politique. Son rapport est une oeuvre monumentale, en partie militaire, en partie politique, avec cinq appendices, dix-huit annexes, six pièces jointes. Il y préconise l'abandon de Bao Daï et la réouverture de négociations avec Hô Chi Minh. Il montre les dangers que présente le maintien sur la RC-4 et propose un repli de nos forces sur le delta tonkinois.
Le rapport Revers comporte une foule d'indications d'ordre financier, administratif aussi bien que politique et stratégique : c'est un bréviaire pour le futur "patron" de l'Indochine. Pour ce poste, le général Revers a d’ailleurs un candidat, le général Mast, directeur de l'Institut des Hautes Études de Défense nationale qui joua un grand rôle dans le débarquement allié de 1942 en Algérie et a été résident général en Tunisie. Les deux généraux ont fait alliance; ils ont trouvé des appuis à gauche.
Quelques jours à peine après le retour du chef d'état-major général, le 22 juin, une "lettre confidentielle" diffusée à Paris fait état des premières conversations du général avec le président du Conseil, qui est alors M. Henri Queuille. Et le rapport, "diffusé" à trois exemplaires, commence à se démultiplier. M. Pignon, haut-commissaire en Indochine, signale à son ministre, M. Coste-Floret, que la radio viêt-minh en cite des extraits...
Le 18 septembre, le scandale éclate. Une bagarre sur la plateforme d'un autobus entre un Vietnamien, M. Do-Dai Phuc et un soldat du corps expéditionnaire amènera - par un hasard qu'on mettra quelque temps à trouver extraordinaire - la découverte, dans la serviette du Vietnamien, de documents secrets : des extraits, dit-on, du fameux rapport. Comme par hasard, encore, l'arrestation de Do-Dai Phuc, agent viêt-minh, a eu lieu à la gare Saint-Lazare qui est sous la juridiction de la direction de la surveillance du territoire ( DST ), rivale du SDECE où Peyré est immatriculé. M. Wybot, directeur de la DST qui n'est pas sans lien avec le BTLD (Bureau technique de liaison et de documentation), un troisième service secret, qui dépend, lui, du ministre de la France d'Outre-mer, tend aussitôt ses filets et interroge Peyré. Les filières de diffusion "clandestine" du rapport sont découvertes - si elles n'étaient déjà connues. Il semble qu'en réalité seules certaines parties politiques du texte aient été divulguées - M. Ramadier l'assurera du moins. Non-lieu. Le général Revers se prépara d'abord à quitter discrètement l'armée. Puis il revint sur ses intentions. Le général Mast, lui, était mis en congé. L'arrivée au pouvoir du MRP - M. Georges Bidault succède alors à M. Queuille - empêche le chef d'état-major général de quitter l'armée: il eût semblé fuir ses responsabilités face à ses pires adversaires. Il préfère attaquer: il accuse M. Wybot d'avoir préparé, en accord avec M. Coste-Floret, l'opération destinée à le compromettre et à retirer toute valeur à son rapport. Quant à Peyré, que M. Kriegel-Valrimont, député communiste, appellera pompeusement "le Raspoutine d'un régime qui s'appuie sur la police et où s'étale la pourriture", il jouit apparemment de solides protections : il s'embarque le 30 novembre pour le Brésil avec toute sa famille. (Le SDECE aura longtemps une prédilection pour l'Amérique du Sud et Peyré aura un peu moins de vingt ans après l'occasion d'y voir arriver d'autres agents secrets "en retraite" définitive ou provisoire.) *** (pp. 221 à 223)
La suite est sans doute mieux connue lorsque le débat débouche sur la place publique. Comme le note judicieusement Jean Planchais "l'affaire des généraux" ne sort de l'obscurité que pour entrer dans la confusion". La Commission d'enquête nommée par l'Assemblée "lavera de tout soupçon les hommes politiques et fera peser le poids de sa "justice" sur les généraux qui seront traduits devant le Conseil supérieur de la Guerre".
La politique et la stratégie que le général Revers avait préconisée en Indochine sont discréditées.... juste à temps pour que la défaite les justifie...
Bien cordialement,
Francis.
PS. Pour découvrir la signification des abréviations... clic sur la petite loupe à décrypter... là un autre clic vous guidera dans les dédales des services secrets. |