De 1940 à 1942, le nombre de gaullistes a été infime en AFN. Sans être vraiment pro-allemande, l'opinion manifestait bruyamment son "loyalisme" à Pétain, et lui faisait confiance, même quand il abolissait la république, serrait la main de Hitler, et promulgait des lois antijuives qui étaient d'ailleurs accueillies avec ravissement.
Les communistes étaient peu nombreux, et les anglophobes avaient surgi comme des champignons aprés la pluie, dés Mers El Kébir.
Dans ce contexte, de Gaulle était perçu comme un général dissident, traitre à son pays et mercenaire des Anglais.
Même en 1942, quand eut lieu le débarquement allié (de Gaulle fut tenu soigneusement à l'écart, et aucune FFL ne participa), l'opinion algéroise (je dis algéroise pour la commodité) manifesta un chaleureux accueil aux Américains, mais les Anglais durent parfois arborer des brassards américains pour éviter des "heurts". Ensuite, c'est lentement, et à regret, que l'aura de Vichy s'atténua. Il y eut l'intermède Darlan, qui laissait espérer une osmose américano pétainiste. Hélas, le maréchal n'a pas pris l'avion vers Alger.
De Gaulle restait trés loin des pensées des "Algérois".
Les lois antijuives ne furent abolies que lentement et à regret. La photo de Pétain resta en bonne place dans les foyers, longtemps, longtemps. Et dans les coeurs plus longtemps encore.
Aprés Darlan, est venu l'intermède Giraud. N'importe qui plutôt que de Gaulle, l'homme des Anglais. Il y eut la mascarade de Casablanca, où Roosevelt et Churchill ont "invité" de Gaulle pour le contraindre à serrer la main de Giraud devant les caméras.
L'armée d'Afrique, glorieusement libératrice, ne se rallia jamais à de Gaulle. Son écusson tricolore mentionnait "FRANCE D'ABORD", et sans croix de Lorraine.
On traquait comme des déserteurs les soldats qui tentaient de rejoindre les unités de la France Libre.
Cette Afrique du Nord libérée était restée si antigaulliste qu'il fallait intriguer, ruser, mendier comme une prébende, le droit d'aller se faire tuer à l'escadrille Normandie Niemen, ou à la 1e DFL.("Un du Normandie Niemen" Roger Sauvage)
La 1e Armée a fait toute la campagne d'Italie en tant que force pétainiste RALLIEE à la cause des Alliés. Ses chefs (de Lattre, Juin) avaient soutenu Pétain, la chute de la république, la collaboration, pendant deux années avant de sentir le vent tourner, et se rallier, mais dans un contexte qui ne reniait rien, et qui laissait toutes ses chances à une éventuellement perpétuation du régime de Vichy. Il ne s'agissait, pour eux QUE d'apporter une contribution purificatrice (mais secondaire) à la libération de l'Europe. Ce n'est pas l'armée d'Afrique, à elle seule, qui aurait libéré la France. Encore moins, réduite à ses seuls effectifs européens.
De Gaulle n'a été finalement accepté que dans le courant de l'année 1944. Et il en a tenu légitimement rigueur, c'est vrai aux Algérois.
Il le leur a bien fait sentir, par la suite. |