p. 156 mardi 21 mai 1940
Bernard Barbey: Seul en Ajoie, par les Rangiers, Bonfol où je laisse ma voiture. Je continue à pied, sous bois. Il fait très chaud. Pas un bruit, sauf le bourdonnement des insectes dans les branches; pas un mouvement, sauf un bond d'écureuils grimpant aux chênes. Je m'arrête à la barricade qui ferme la route de Pfetterhouse. Garteiser est là, une fois de plus, exact au endez-vous. Nous nous asseyons sur un tronc d'arbre. Je regarde mon compagnon: front en sueur, visage durement marqué par la fatigue et le souci.
- Content de vous revoir, fait-il...Où en sommes-nous? Vous êtes pressé? Moi, pas trop, si curieux que cela paraisse...
Je le laisse souffler, s'éponger. Puis j'écoute. Sur la Meuse, que pouvait-on faire? La manoeuvre de Corap était réglée de telle sorte qu'au moment où les avant-gardes allemandes atteignirent le fleuve et commencèrent à le franchir, ouvrant la voie aux Panzer, les gros de la 9è Armée, arrivés de justesse, n'étaient pas encore organisés sur la rive gauche; et les divisions françaises engagées dans ce secteur n'étaient pas les meilleures...
- Vous êtes sur la Meuse; vous savez qu'encaissée entre des collines, elle est, en principe, très favorable à la défense. Eh bien, qu'est-ce qui se passe dans un pareil cas ? On a un plan de feu, préparé ou improvisé. Il faut choisir entre deux solutions: placer les armes sur les hauteurs, ou en bas, au niveau du fleuve. Et quand on ne prend pas un pari systématique, on les place tantôt sur la hauteur et tantôt en bas. C'est ce qui est arrivé dans un certain nombre de cas.
Alors...
Ce journal de Barbey va du vendredi 13 septembre 1939 jusqu'au dimanche 9 juin 1940 |