Rédigé en prison, ce texte n'a pas besoin d'être retouché après la guerre. Il exprime la vérité, du moins celle que Pucheu entend faire accroire lors de son procès. Si des embellissements ne sont pas à exclure, ils portent sur ses propres positions de septembre 42. Ses vues et sa détermination étaient-elle alors aussi nettes ? Il faudrait des documents d'époque pour s'en assurer.
L'attitude de Pétain me paraît vraisemblable... mais peu démonstrative, s'agissant du point en débat. En effet, il ne croit pas à une action américaine en 42, ce qui est aussi à l'époque le cas de Darlan. Cela ne nous renseigne donc pas sur ses intentions au cas où l'histoire viendrait bousculer son calendrier.
Son attitude est celle, logique, non pas d'un traître pro-allemand, non pas comme le dit Pucheu d'un vieillard devenu aboulique, mais d'un englué. Gérer la collaboration au jour le jour avec Laval lui paraît la façon du moment, la meilleure et la seule de jouer ce rôle de "bouclier", de réaliste indiquant aux Français le moindre mal, qu'il s'est arrogé.
Ce n'est donc pas qu'il n'ait pas le désir ou l'intention de partir pour l'Afrique. C'est qu'il s'est laissé mettre par Hitler, et se laisse engluer par lui au jour le jour, dans une situation où le choix du moment tient de la quadrature du cercle.
Le jour venu, non seulement Hitler le prend de vitesse au Portalet, en s'assurant de deux otages dont l'exécution ruinerait d'autant plus définitivement le crédit du maréchal (incapable de les protéger alors que du 8 au 11 il ne tenait qu'à lui de les faire passer en Espagne... mais il ne fallait pas provoquer Hitler !) qu'il s'agit de deux hommes de droite, adversaires du Front populaire, mais pendant les trois jours précédents, entre le 8 et le 11, Hitler s'arrange pour que Laval soit en Allemagne, et susceptible de négocier pour éviter l'invasion complète de la zone sud : il y a encore là du grain à moudre en matière de "moindre mal" ! |