J'avais déposé un truc sur ce film basé sur un bouquin en mars 2006 :
Le film (bien réalisé et bien commenté) est basé sur les solides recherches de J. Robert Lilly, un professeur de sociologie et de criminologie à la Northern Kentucky University, qui a étudié les viols (déclarés) commis entre 1942 et 1945 par des soldats américains, au Royaume-Uni, en France et en Allemagne. Le chercheur a planché sur les archives des procès (cour martiale) intentés par l'US Army contre ses soldats lors de la "croisade en Europe" mais aussi durant la période de stationnement des troupes US dans les îles britanniques avant le 6 juin 1944. (Le premier cas de viol sur une Française est signalé une semaine après le D-Day.)
Il faut savoir que le livre de J.R. Lilly n'a pas été publié aux États-Unis ou en Angleterre. Seuls les lecteurs de quelques pays européens peuvent l'acquérir. Comme le dit Patrick Gillard dans un article en ligne bien documenté, A la lecture de ses intentions, l’auteur ne porte pas l’entière responsabilité de cette anomalie éditoriale. De fait, le but de Robert Lilly «n’est pas de réviser ou d’altérer l’histoire des principaux aspects - politiques, idéologiques, militaires, culturels - de la Seconde Guerre mondiale. L’objectif de [son] livre est plus étroit, peut-être même plus petit : mettre en lumière un chapitre largement négligé des comportements répréhensibles des soldats américains au Royaume-Uni, en France et en Allemagne.» (p. 43)
Il faut dire que les événements du 11 septembre 2001 et les campagnes d'Afghanistan et d'Irak ont fait reculer les éditeurs US devant ce qu'ils considérèrent - à tort - comme étant un livre au potentiel antiaméricain...
Trois millions de boys transitèrent par les îles britanniques entre 1942 et 1945. Parmi eux, les soldats noirs (10% des effectifs totaux de l'US army ) soumis à la politique alors très ségrégationniste de l'armée américaine. Ils étaient généralement encadrés par des officiers originaires des états du Sud marqués par une culture raciste profondément ancrée. Le clash était inévitable dans une société britannique plus ouverte. Le docu montre des images d'archives sur lesquelles des couples mixtes dansent et flirtent, une situation impensable aux Etats-Unis à l'époque !
Sur le continent, les viols avec violence (parfois suivis de meurtres) augmentèrent durant la libération de la France puis pendant la période de stationnement des troupes US dans les campagnes. Considéré comme un crime grave, les cours martiales expédiaient souvent les coupables de viol à la potence.
En Allemagne, seuls les meurtres de civils étaient passibles de la peine capitale, le viol d'une Allemande n'entraînant qu'une sanction mineure. Il faut dire que durant deux ans, la propagande US avait répété aux boys qu'ils ne devaient avoir aucune pitié pour les civils ennemis.
J.R. Lilly estime à 18'000 le nombre de viols commis (déclarés et non déclarés) entre 1942 et 1945 par les troupes US en Europe. Si dans les îles britanniques, deux viols sur trois furent imputés à des soldats blancs, en France et en Allemagne, la majorité des condamnés furent des soldats noirs. Cette réalité n'a pas été occulté par l'historien et les deux auteurs. Mais là aussi, le chercheur rappelle qu'il faut prendre en considération l'origine des membres des cours martiales - tous blancs - n'ayant parfois aucune compétence en matière de droit pénal, comme en témoigne un vétéran qui fut appelé à juger des violeurs. Il faut savoir encore que seuls 5% des viols commis furent suivis d'une plainte. Les victimes n'osaient pas se manifester auprès des autorités locales ou des MP's. La honte dans les villages étaient grande et les naissances sous X furent nombreuses en 1945 et 1946.
Voilà.
RC |
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