Une preuve parmi d'autres : le rapport Kaltenbrunner - Présumé Jean Moulin - forum "Livres de guerre"
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Présumé Jean Moulin / Jacques Baynac

En réponse à -15* -14 -13 -12 -11* -10 -9 -8 -7 -6* -5 -4* -3 -2
-1Un débat digne de ce nom de Jacques Baynac

Une preuve parmi d'autres : le rapport Kaltenbrunner de Nicolas Bernard le jeudi 08 mars 2007 à 00h11

Jacques Baynac écrit :

> Sur le fond, j'attends toujours que l'on m'oppose une
> seule
> preuve de la culpabilité de Hardy dans l'affaire de
> Caluire,
> une preuve écrite ou matérielle, s'entend, pas des ragots,
> des bobards ou des supputations de telle ou tel.

Des preuves, il y en a pourtant beaucoup. J'en retiendrai une, d'ailleurs instructive au regard du sort que vous lui réservez dans votre dernier ouvrage.

Il s'agit d'un rapport rédigé à Berlin et signé Ernst Kaltenbrunner, patron du RSHA, l'Office central pour la Sécurité du Reich, le 29 juin 1943, à destination du Ministre allemand des Affaires étrangères, Joachim Von Ribbentrop. L'objectif est d'informer ce dernier de l'état de la lutte contre "l'Armée sécrète" en France, à l'heure où il est de plus en plus question d'un débarquement en Europe occidentale.

L'authenticité de ce document, retrouvé parmi les archives de la Wilhelmstrasse et communiqué au gouvernement français le 10 octobre 1946, est indiscutable, et vous ne cherchez d'ailleurs nullement à la remettre en cause.

Or, ce rapport nous livre l'identité de l'homme qui a livré la réunion de Caluire, à savoir évidemment René Hardy. Je tiens ainsi compte de vos standards - passablement discutables d'un strict point de vue méthodologique, mais dont je saurai me souvenir à l'avenir dès qu'il s'agira de commenter d'autres passages de votre livre -, à savoir qu'il n'est d'autre preuve qu'une "preuve écrite et matérielle".

Comme vous cherchez à dédouaner René Hardy de tout acte de trahison dans l'affaire de Caluire, il vous faut disqualifier ce document. Et à cet effet, votre offensive se développe sur deux axes : 1) le fait que le rapport spécifie que "Max" (Jean Moulin) "n'est pas venu à la réunion", et que le la capture d'Aubrac n'est pas mentionnée, 2) le fait que René Hardy soit présenté comme à l'origine des arrestations de certains Résistants et ait volontairement fait tomber son adjoint Max Heilbronn.

Or, aucune de vos répliques n'apparaît, en l'espèce, convaincante.

Tout d'abord, le rapport précise "la réunion elle-même avait été convoquée par le chef des Mouvements unis de la Résistance qui avait été nommé par le général De Gaulle et qui porte le nom de couverture de "Max". "Max" lui-même n'est pas venu à la réunion. Il avait été probablement retenu par une rafle de la police française."

Ce qui vous amène à formuler le commentaire suivant : "La si manifeste fausseté sur ce point de ce rapport Kaltenbrunner aurait dû inciter les historiens à la réflexion et à s'interroger, en premier lieu, non sur l'authenticité du document, mais sur la cause de sa monumentale erreur." (Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin. Juin 1940-juin 1943. Esquisse d'une nouvelle histoire de la Résistance, Grasset, 2007, p. 858)

Or, d'Henri Michel à Henri Noguères, ils l'ont fait, avançant des hypothèses qui ne tenaient pas compte d'un petit détail que j'évoquerai plus loin. Votre affirmation apparaît ainsi passablement exagérée.

Vous poursuivez ainsi : "Que huit jours après les faits, le chef des polices nazies ignore l'arrestation de Moulin montre qu'il a été trompé par ses services centraux à Paris, eux-mêmes désinformés par leur antenne lyonnaise." (ibid.)

Ce qui vous amène à conclure, bien péremptoirement, : "Dès lors, les terribles allégations du rapport Kaltenbrunner relatives à la culpabilité de Hardy sont vidées de sa substance." (ibid.)

Or, l'affirmation qui fonde votre conclusion est fausse. Il n'y a eu nulle tromperie de la part du QG parisien du SD, lequel n'a jamais été "désinformé" par Barbie.

Vous produisez vous-mêmes les éléments de nature à réfuter votre thèse. Comme vous le signalez, le rapport Kaltenbrunner se fonde sur des données communiquées par Klaus Barbie à sa hiérarchie parisienne, laquelle transmettra ensuite l'information à Berlin, à effet de permettre à Kaltenbrunner de pondre son rapport et de le transmettre le 29 juin.

Une telle procédure prend du temps, bureaucratie oblige. Mettons que Barbie envoie son propre rapport le 21 ou le 22 - plus vraisemblablement le 22. Le temps de le recevoir, de le stocker, de le lire et de l'analyser, on peut supposer qu'il s'écoule encore un certain délai (24 heures ? 48 heures ? 72 heures ?) avant sa communication à Berlin. Là encore, s'écoule un certain délai pour le recevoir, le stocker, le lire, l'analyser et le retranscrire pour Von Ribbentrop. Le temps de recevoir des informations complémentaires, il est trop tard : le rapport de Kaltenbrunner est déjà parti pour la Wilhelmstrasse. Or, Jean Moulin sera identifié après le 22 juin, et Aubrac passera un moment inaperçu.

Au passage, Barbie sait peut-être qu'il tient Max dans la soirée du 21 juin (cf. témoignage d'Aubry), ou au moins le 22 juin. Mais dans son premier rapport du 21 ou du 22, il reste probablement prudent, préférant ne point trop s'avancer, en attendant son prochain rapport où il pourra en révéler davantage. Hypothèse, là encore, qui ne jure toutefois pas avec les faits et répond à une certaine logique. Barbie n'a d'ailleurs aucune raison de se douter que sa première transcription sera retranscrite pour Von Ribbentrop !

En tous les cas, je n'ai rien à vous apprendre sur la bureaucratie des services de renseignements. De Barbarossa à Pearl Harbor, de la guerre du Kippour au 11 septembre, l'Histoire regorge de documents qui, s'ils avaient été lus et interprétés à temps, auraient pu éviter certains désastres. En l'occurrence, le même scénario administratif s'est ici reproduit.

Hypothèse, sans doute. Elle est toutefois parfaitement admissible, sans qu'il soit besoin de faire appel à une logique du complot. Par ailleurs, elle n'est pas nouvelle, ayant été formulée depuis plusieurs années - voir, à titre d'exemple, Daniel Cordier, Jean Moulin, la République des Catacombes, Gallimard, 1999, p. 800. Or, vous n'en faites pas mention. Vous pourriez entreprendre de la réfuter, mais non, vous la passez sous silence. Pourquoi ? J'attends vos explications sur ces points particuliers, à savoir cette hypothèse et votre omission, points qui n'ont rien d'une question de détail. Car, à tout le moins, l'explication bureaucratique des lacunes du rapport nazi est autrement plus convaincante que vos allégations conspirationnistes.

La question se pose d'autant plus que vous écrivez, par la suite : "Présenté comme ayant été à l'origine des arrestations de Théobald, Gastaldo et Délestraint, Hardy est accusé d'avoir volontairement provoqué la capture de Max Heilbronn avant d'être décrit comme l'agent grâce auquel "l'Einsatzkommando de la Sipo et du SD de Lyon, en collaboration avec le Sonderkommando mis à la disposition par le RSHA [Berlin] afin de combattre l'Armée secrète, a réussi à mettre la main à Lyon sur une réunion des personnes dirigeantes des Mouvements de résistance unis et de l'Armée secrète (...)"." (Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin, op. cit., p. 858-859)

A quoi vous ajoutez : "L'inanité de ces accusations [est] maintenant établie." (ibid.)

Or, l'une et l'autre de vos deux affirmations est fausse, du moins très discutable.

En premier lieu, le rapport Kaltenbrunner n'accuse certainement pas René Hardy d'avoir été à l'origine des arrestations de Théobald, Gastaldo et du général Délestraint (9 juin 1943). Le rapport mentionne bel et bien que ces Résistants sont tombés suite à la découverte, au cours d'une perquisition, d'une "boîte aux lettres" (attribuée abusivement à Hardy), laquelle comprenait un message précisant la date et le lieu d'un rendez-vous entre le général et Hardy - voir reproduction du rapport dans Daniel Cordier, op. cit., p. 744.

Vous avez donc commis ici une erreur de lecture passablement surprenante : aucune personne prenant connaissance de ce document ne se laisserait aller à en déduire ce que vous avez écrit.

En vérité, le rapport ne se trompe pas, ne trompe pas. C'est d'ailleurs ce qui s'en dégage : tout est vrai, au moins dans les grandes lignes.

Un détail - et c'est le seul - est toutefois discutable. Selon ce document, Hardy est effectivement à l'origine de l'arrestation de son plus proche collaborateur et adjoint pour les questions de sabotage des chemins de fer", Max Heilbronn - improprement dénommé Heilbronner.

On sait que Heilbronn a rencontré René Hardy à Lyon le 12 juin 1943. Selon le propre témoignage de ce Résistant (reproduit in René Hardy, Derniers mots, Fayard, 1984, p. 224 et suivantes), il a été arrêté consécutivement à ce rendez-vous, alors qu'il n'avait pas fait 200 mètres. Selon sa version des faits, les Allemands auraient tenté de lui faire avouer qu'il répondait au nom de code de "Didot". Or, "Didot" n'est autre que René Hardy... Ce qui permet à ses défenseurs, dont vous faites partie, d'en déduire que Klaus Barbie ignorait que René Hardy était "Didot" après l'avoir relâché deux jours auparavant, et donc qu'il avait été bel et bien dupé par ce dernier.

Séduisant, mais - hélas ! - pas si simple. Tout d'abord, le colonel Gastaldo, arrêté avec Délestraint, s'est souvenu que, tôt dans la matinée du 11 juin 1943, il avait du répondre à la question suivante, de la part de ses interrogateurs, suite à la réception d'un télégramme arrivé du SD de Lyon : "Saviez-vous que Didot s'identifiait avec Hardy et s'occupait de la Résistance Fer ?" (cité in Cordier, op. cit., p. 441)

Qui plus est, il est hasardeux de conclure que, puisque les Allemands ont cherché à faire avouer à Heilbronn qu'il était "Didot", c'est qu'ils ignoraient que René Hardy l'était. S'il faut exclure l'invraisemblable idée d'une manipulation destinée à couvrir Hardy, on peut tout aussi bien en déduire qu'ils ont cherché à obtenir confirmation de l'identité Didot/Hardy, par élimination et par acquis de conscience, histoire de "bétonner" un éventuel rapport au QG parisien du SD. Le témoignage de Gastaldo va en ce sens.

Les circonstances de l'arrestations de Max Heilbronn sont en-elles mêmes troublantes. Heilbronn en assumera l'entière responsabilité, rappelant que son adresse était connue des Allemands depuis qu'ils l'avaient trouvé dans le carnet de Marie Reynoard (Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin, op. cit., p. 748). Mais rien ne prouve, contrairement à ce qu'il raconte, qu'il a été effectivement filé. Et "coïncidence" stupéfiante, il est arrêté sitôt qu'il s'est séparé de René Hardy ! Pas la veille, pas le lendemain, pas quelques heures avant, ni quelques heures après, mais aussitôt après.

Encore une "coïncidence" dans le parcours de René Hardy, me direz-vous...

Mieux encore, le gestapiste Lutgens avouera à Heilbronn, le 16 ou le 17 juin 1943, qu'il a été livré par René Hardy. Heilbronn n'y croit pas, du moins le prétendra-t-il plus tard, mais n'apporte aucun élément convaincant à l'appui de ses dires (cités in Jacques Baynac, Présumé Jean Moulin, op. cit., p. 748-749). Tout se passe d'ailleurs comme si Heilbronn, au demeurant héros de la Résistance et déporté juif, cherchait à tout prix à couvrir René Hardy. A la différence de Roger Bossé, un autre héros de la Résistance cité comme témoin par Hardy pour réfuter le témoignage d'Edmée Delettraz et dont Hardy lui-même a reconnu le caractère frauduleux de ses déclarations, il ne ment pas, mais, à mon sens, interprète abusivement par souci de sauver la peau de son ancien patron.

Il demeure que le témoignage isolé, limité et contestable de Max Heilbronn ne saurait suffire à balayer le rapport Kaltenbrunner, d'une part parce qu'il est précisément isolé, limité et contestable, d'autre part parce qu'il constitue le seul point véritablement obscur de ce document, véridique pour l'essentiel. J'ose ajouter qu'à dire vrai, rien ne prouve formellement que René Hardy n'ait pas livré Heilbronn. Sur ce point, nous en sommes réduits aux impressions de ce dernier. Ces impressions constituent ce que vous qualifiez des "supputations", et si je me fie à votre conception de la "preuve", ne sauraient posséder la moindre valeur probante... Et lesdites impressions sont réfutées par un document allemand, une preuve écrite.

En conclusion, le rapport Kaltenbrunner constitue bel et bien une preuve "terrible" (votre propre terme) contre René Hardy, et rien de ce que vous avez écrit n'est de nature à le démentir, bien au contraire. La faiblesse de votre argumentation constitue d'ailleurs un élément supplémentaire en faveur de la véracité de ce texte.

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