Autant Baynac a des côtés déplaisants, autant j'ai peur que ne se mette en place une réaction estampillée "historienne" qui dissuade les gens sérieux de se saisir des nouveaux documents et des nouvelles approches de son livre pour affiner ce qu'on sait. Les conservatismes et intégrismes de tout poil ne commencent pas autrement.
La critique précitée d'Alya Aglan dans le Monde
me semble entachée d'une telle dérive :
elle a bien l'air de dire qu'il n'y a plus rien d'essentiel à défricher... tout en n'ayant pas l'air d'avoir conscience qu'elle-même révise un point bien établi et largement reconnu, celui de l'implication d'Hardy dans Caluire !
A première vue, il me semble que Baynac a tort de voir la relation de Gaulle-Moulin, d'un bout à l'autre, comme un bras de fer... mais tout à fait raison, en revanche, de noter qu'elle est plus dialectique et riche en apports mutuels que la subordination immédiate et totale qui aurait été, d'après la thèse courante, acquise dès l'automne 41. De ce point de vue, je ne connais pas d'autre auteur qui souligne le fait que Moulin n'adhère au mouvement de la France combattante qu'en février 43 et s'interroge sur sa signification.
Si nous causons en termes d'étiquettes, on peut dire que Baynac n'est pas un historien professionnel -il lui manque pour cela non seulement les parchemins universitaires, mais la rigueur et la méthode-, mais qu'il est un amateur intéressant et un découvreur stimulant.
Si les professionnels ne se laissent pas stimuler, ils relèvent de la condamnation évangélique : "Si le sel s'affadit, avec quoi va-t-on le saler ?" |