Bonjour,
Je viens de poser mes yeux sur un texte de CdG qui me semble assez significatif. Il est dans les annexes des mémoires de guerre. C'est à dire bien évidement dans la partie du livre que je m'étais empressé de ne pas lire.
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Télégramme au gouverneur général Eboué; au général Leclerc; à l'amiral d'Argenlieu, aux délègues de la France Combattante auprès des gouvernements étrangers.
Londres, 28 janvier 1943.
Voici le résumé de mes impressions au sujet des entretiens que j'ai eus à Casablanca et le modeste bilan des réalisations.
Mes conversations et celles de Catroux et d'Argenlieu avec Giraud ont été cordiales. Mais elles ont révélé la grande difficulté d'une union réelle actuellement. En effet, Giraud ne consent pas à changer le système appliqué en Afrique du Nord et qui est celui de Vichy. Il tient à conserver en place Noguès, Boisson, Peyrouton, Bergeret. En fait, d'ailleurs, il n'a pas de réelle autorité, sauf, dans une certaine mesure, sur les troupes. D'autre part, Giraud proposait que la France Combattante se subordonne à lui, ce qui reviendrait, pour nous, à disparaître pour nous fondre dans un système local africain, lequel système n'est pas bon. Les masses françaises n'accepteraient pas cela. En outre, la chose française serait, comme Giraud lui-même, à la discrétion des Américains.
J'ai proposé à Giraud d'entrer dans la France Combattante avec le commandement de toutes les forces d'opérations. Il n'a pas accepté cette solution. Au fond, il est entouré d'une équipe qui veut lui faire jouer un rôle politique. En même temps, il est, plus ou moins, prisonnier des grands féodaux de Vichy qui lui accordent des honneurs et l'utilisent comme une façade honorable, tandis qu'ils gardent leurs places, leur autorité et leur attentisme.
Faute de mieux, nous avons convenu avec Giraud d'établir des liaisons entre nous aux points de vue militaire, économique, etc. Nous espérons que le rapprochement se fera ainsi pas à pas, d'autant plus que l'opinion en Afrique du Nord française se manifeste de plus en plus en notre faveur.
Mes conversations avec Roosevelt ont été bonnes. J'ai l'impression qu'il a découvert ce qu'est la France Combattante. Cela peut avoir de grandes conséquences par la suite. D'autre part, il apparaît que Roosevelt et Churchill se sont aperçus, comme nous le pensons nous-mêmes, que le général Giraud est, par sa nature, qualifié exclusivement pour le commandement militaire.
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Encore une fois, on voit que Giraud, prétendant ne pas s'intéresser à la politique, joue malgré tout un rôle politique, et que ce rôle lui est donné par les tenants de Vichy. Ce que certains qualifient de "querelle des généraux" (pour gommer, ou pas, sa vrai nature) est bien une partie décisive entre les partisans de la dictature de Pétain et ceux de la République et non une affaire d'ambitions personnelles.
On voit aussi que Giraud ne veut pas entrer dans la France Combattante et au final, il n'y entrera pas. Cessons donc de lui faire injure en prétendant que l'Armée réunifiée est la France Combattante.
Amicalement
Jacques |