Bonjour,
En amont, à savoir au niveau des décideurs politiques, ces présidents du conseil et ces ministres de gouvernements qui duraient quelques mois, tombaient et étaient reformés à une vitesse qui empêchait toute politique étrangère sérieuse, le conflit en Indochine était devenu une sorte de fatalité que personne ne pouvait ou ne voulait réellement - la piastre et son trafic juteux ! - résoudre... Comme on ne voulait pas envoyer le contingent, le corps expéditionnaire ne pouvait pas faire la différence sur le terrain. Il faut dire aussi que l'Indochine "brûlait" les cadres sortis de Saint-Cyr à une vitesse inquiétante...
Défendre puissamment le Laos semblait la chose à faire, mais il eut fallu disposer de bataillons que les généraux français n'avaient pas. Et la défense des trois Ky - Cochinchine, Annam et Tonkin - sans oublier le Cambodge et le Laos, sanctuaires pour les soldats de Giap, occupait du monde et devenait un casse-tête tactique de tous les instants : c'est à ce propos que l'on raconte que Salan cherchait à percer les desseins de Giap dans les digressions intellectuelles et les rêveries procurées par l'opium... (Jules Roy le mentionne dans son "Dien Bien Phu")
Si Salan respectait le talent militaire d'un ennemi qu'il connaissait bien, même lui semble avoir été trompé par la réalité des moyens de l'adversaire au début des année 1950 : le comité clandestin vietminh avait donné l'ordre à son général stratège Giap de recruter dans les campagnes, de gré ou de force, afin de former les bataillons qui écrasèrent les professionnels de la guerre à Dien Bien Phu.
On a le sentiment que, si les chefs français manquèrent effectivement de moyens matériels et humains à cause du refus des décideurs de la IVe République de faire un vrai choix pour l'Indochine, ils ont toujours sous-estimé sur le terrain la force réelle de la nouvelle armée du Vietminh encadrée par des commissaires politiques souvent impitoyables et dont la volonté nationaliste et communiste était tendue vers la victoire finale.
En 1953, c'était cuit, si j'ose dire; Navarre ne pouvait plus faire de miracle et il devait aussi lutter contre un pessimisme qui rongeait ses cadres, comme Laurent Boussaton le mentionne justement.
Dans le récit de la bataille de Dien Bien Phu, Jules Roy a reproduit en annexe les derniers télex échangés entre Cogny et le PC de de Castries dans la cuvette fatale juste avant la chute de Dien Bien Phu. On y sent l'hésitation dramatique de Cogny qui est désemparé et cherche peut-être déjà à se couvrir politiquement...
(A propos, Cogny avait soigneusement classé ses archives : a-t-il laissé des Mémoires ?)
Bien cordialement,
René Claude |