Pour avoir cherché à vérifier les propos - tardifs - de l'infirmière, je pense en définitive qu'elle a exagéré, voire quelque peu affabulé. L'état de santé de Rommel était visiblement déliquescent, à partir du mois d'août 1942.
Au début du mois, il est victime de malaises. Son état s'aggrave à la mi-août. Le 9, il doit s'aliter pour cause de rhume de cerveau persistant et maux de gorge. C'est à la requête de ses adjoints, le croyant grippé, que le professeur Hoster relate que "le maréchal Rommel souffre d'hypotension artérielle et il est sujet à des évanouissements répétés. Les effets du surmenage et le climat insalubre ont aggravé, ces dernières semaines, son état dû à des embarras gastriques et intestinaux chroniques." (rapport cité in David Irving, Rommel. La trace du renard, éd. Alta, 1979, p. 144 - je sais). Hoster recommandait de le transférer au repos en Allemagne. Son officier d'ordonnance, un fervent nazi nommé Alfred-Ingemar Berndt, entreprit de surveiller le régime du malade : "le connaissant, écrivit-il à l'épouse de Rommel, nous craignons qu'il ne refuse toute amélioration à la ration ordinaire" (lettre intégralement reproduite dans Maréchal Rommel, La guerre sans haine, Presses de la Cité, 1962, p. 249-250, et fournissant une description précise de l'état de santé du Feldmarschall). Berndt prit également contact avec Goebbels pour solliciter la venue du Professeur Brandt, médecin de Hitler, en Afrique du Nord (Irving, op. cit., p. 145).
Rommel, toutefois, convint avec Hoster qu'il pouvait rester sur place, pour lancer l'offensive d'Alam el Halfa. Il avait demandé à être remplacé par Guderian le 21 août, mais apprenant l'impossibilité de la chose, affirma à l'O.K.W. le 26 du même mois qu'il resterait à son poste. Après la bataille, il rentrerait au pays. Il lui fallut attendre un mois, et son échec face à la VIIIe armée, pour passer de la parole aux actes.
Bref, si Rommel a simulé, ses plus proches collaborateurs, de Fritz Bayerlein à son officier d'ordonnance, sont tombés dans le panneau, de même que Hitler, et Hoster, sommité médicale de l'Université de Würzburg, aurait produit un faux. Pourquoi pas, après tout ? Mais j'éprouve quelques doutes. Rommel avait passé seize mois sans interruption dans le désert, depuis février 1941. C'était plus que ne pouvait en supporter un corps humain de quinquagénaire. |