Il en va de cette affaire comme de la précocité de la résistance des communistes (fil connexe). Deux légendes politiciennes opposées et, dans l'entre-deux, une réalité complexe, individualisée, interdisant même ou rendant très difficile le classement par catégories (jeunes-vieux, masses-élites, dirigeants-dirigés...).

Vous avez ceux qui ont entendu juré craché l'appel du 18 juin à 18h, horaire donné par de Gaulle, alors qu'il s'agit de 22h et que la tombée de la nuit, ainsi que les différences d'activités moyennes des Français entre ces deux horaires (et notamment la présence familiale devant LE poste) auraient dû empêcher le doute. Et vous avez tous ceux qui disent que l'appel a été peu connu parce qu'"on avait autre chose à faire que d'écouter la radio", alors que le texte (dans une de ses versions) s'étale dans les journaux français du 19, puis fait l'objet d'un tir pétainiste à boulets rouges qui ne favorise pas son oubli (et tend de surcroît à prouver, car les dirigeants de Bordeaux ne sont pas plus idiots qu'Arnaud Lagardère, propriétaire du Journal du Dimanche, décidant en 2007 de taire le non-vote de Cécilia pour son mari) que l'affaire fait trop de bruit pour qu'on puisse se passer d'un commentaire.

Il se trouve que fin mai-début juin 40 la presse aux ordres de Reynaud avait relativement vedettisé de Gaulle, comme l'un des rares officiers qui s'étaient distingués et y avaient gagné du galon, puis comme nouveau secrétaire d'Etat à la Défense. Ce sont là choses qui vous valent une photo à la Une, et un découpage soigneux de ladite pour la coller dans un album, de la part des petits et des grands qui se passionnent pour la guerre et, dans les moments durs, se raccrochent aux lueurs d'espoir.

Ce qui n'infirme nullement d'autres affirmations de ce fil : que de Gaulle était peu connu, que les Français ont vraiment découvert sa taille et son visage à la Libération... Vedette en plein désastre, cela favorise aussi l'oubli, le haussement d'épaules face au "bourrage de crânes", la dispersion des documents, voire leur prompte crémation.