Ceci s'adresse aussi bien à Francis qu'à "Arcole".
Le livre de Laurent Joly a été déposé ici au printemps dernier. Il a surtout servi de machine de guerre contre votre serviteur, qu'il égratigne au passage dans une note. Malencontreusement, mais là n'est pas la question du jour. J'ai toujours reconnu pour ma part qu'il s'agissait d'un ouvrage important -même si depuis la parution de celui de Bruttmann certains passages sont caducs.
Or Joly, chercheur courageux, nie clairement et tranquillement que la politique antisémite du premier Vichy ait été purement autochtone. Il montre qu'elle est loin de se réduire à une revanche des antidreyfusards doublée de celle d’une droite mal remise de ses frayeurs de 1936, après la victoire électorale de Blum.
Dès les premières pages de son livre, n’y allant pas par quatre chemins, il écrit :
En réalité, dès l’été 1940 (...), l’antisémitisme vichyssois subit l’influence nazie. (p. 17)
Traitant de la genèse du statut (qu’hélas il s’obstine à appeler "du 3 octobre"), il parle p. 76 (entre guillemets, on se demande pourquoi) d’une "pression" des autorités allemandes. Il interprète ainsi, et il est l’un des premiers à le faire, le projet allemand d’une ordonnance contre les Juifs en zone occupée, annoncé à Vichy le 10 septembre (et finalement mis en vigueur le 27). Cette annonce, dit-il, rend inévitable une grande loi antijuive en zone sud, en raison du souci de "l’unité administrative de la France" qui anime le gouvernement de Vichy.
Enfin, l’auteur met en relief le rôle d’Abetz en la matière, tout en le présentant comme le porte-parole du Führer.
Vous savez que je ne donne pas, pour ma part, quitus sur tout à cet auteur. Vous aurez aussi remarqué que je n'invoquais jamais des confrères comme des cautions à l'appui de ce que j'avance (ce qui s'appelle "l'argument d'autorité") bien qu'on m'inflige souvent ce traitement : je préfère argumenter par moi-même.
Mon propos ici est donc autre : je voudrais faire remarquer qu'il ne convient pas, sur un espace intitulé "Livres de guerre", de déposer des livres et de tourner le dos sans le dire à leurs thèses les plus centrales. |