François Delpla et la conférence de Wannsee - Le nazisme des origines à 1945 - forum "Livres de guerre"
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La description du livre

Le nazisme des origines à 1945 / Enrique León et Jean-Paul Scot

 

François Delpla et la conférence de Wannsee de Nicolas Bernard le lundi 22 mai 2006 à 21h36

Note au lecteur. L'article suivant a été posté sur trois forums de discussion. Il a été autorisé sur deux d'entre eux, étant considéré comme parfaitement conforme à leurs Chartes respectives.

Sur le troisième forum, l'article a été très vite supprimé par l'administrateur/modérateur - François Delpla lui-même, qui refuse de laisser paraître ce texte sur son site.

Pourquoi cette censure, absolument injustifiée ?

La réponse est évidente. Il suffit de lire ce qui suit.




Dans sa biographie de Hitler, François Delpla nous livre une hypothèse censée expliquer les "pudeurs et les aveux" du compte-rendu de cette célèbre conférence dite de la "Solution finale". Je démontrerai ici que cette hypothèse est bien plus qu'invérifiable : erronée. Il se trouve en effet que cet historien, au demeurant remarquable dès qu'il est question de thèmes qu'il maîtrise bien mieux, commet ici un certain nombre d'erreurs et de contradictions dans son raisonnement, lequel témoigne en outre d'une bien curieuse méconnaissance du contexte, du contenu et des résultats de cette conférence.

Il n'est pas question ici de l'assimiler à un négationniste, quoique François Delpla ait tenu des propos relativement douteux au sujet de l'escroc Roger Garaudy, négateur du Goulag reconverti négateur du génocide juif (1), et quoique sa propre hypothèse s'apparente considérablement à des "arguments" que développent des négateurs du génocide juif tels que Robert Faurisson (2), David Irving (3), Carlo Mattogno (4), ou Richard Harwood (5), même si d'autres préfèrent prétendre que le compte-rendu de la conférence est en réalité un faux conçu par l'éternel complot judéo-prisunique (6).

Non, François Delpla n'est pas négationniste.

Son hypothèse est, il est vrai, autrement plus subtile.

Conformément à une lecture littérale du compte-rendu de la conférence de Wannsee, il écrit que le génocide n'y a pas été abordé. A l'exception des SS, aucun invité (aucun « civil », donc) ne savait véritablement qu'il était question de meurtre, de massacre et d'extermination, du moins aucun d'entre eux n'est mis au courant. De cette manière, leur collaboration était plus aisément acquise : ils se soumettaient d'autant plus facilement au bon-vouloir de Heydrich que ce dernier taisait les implications homicides de la Solution finale.

Citons donc sa biographie de Hitler : « Mais il existe un moyen, et à ma connaissance un seul , de concilier les aveux et les pudeurs de ce texte : c’est de supposer que l’information des participants à la réunion est différenciée. A coup sûr Heydrich sait de quoi il est question, puisque cette solution finale consistant à mettre les uns au travail, les autres dans des fosses communes et bientôt des crématoires, il la met en oeuvre depuis des semaines en Pologne. Probablement les autres cadres SS présents, associés de près à cette besogne, en savent autant. Mais ceux des ministères civils n’en ont nul besoin. On leur demande simplement d’arrêter et de transporter. La phrase sur « les valides » leur permet d’en subodorer davantage, aux risques et périls de leur conscience. Mais ils peuvent aussi se persuader que leur coopération ne fait pas d’eux, à coup sûr, des assassins. C’est bien pourquoi, après de nombreux mois de pratique qui leur ont permis de méditer sur tous ces trains revenus vides et de recueillir le flot montant des rumeurs, Himmler mettra brutalement les choses au point, le 6 octobre 1943. A Wannsee, il ne s’agissait que de leur mettre le doigt dans l’engrenage. A Posen, on leur révèle cyniquement qu’ils se sont fait piéger et sont passibles du châtiment suprême qu’annonce, au même moment, la propagande ennemie. »

Dans un message posté sur Histoforums, François Delpla est plus précis : « j'explique les pudeurs du procès-verbal signé Eichmann par le fait qu'on n'a pas dit très crûment les choses à ceux qui n'étaient chargés que de rafler ou de transporter (ainsi que des aspects diplomatiques, judiciaires, etc.) ».

Avouons-le, l'hypothèse est, en soi, séduisante. Elle témoigne d'une authentique pratique hitlérienne qui consiste à mettre progressivement ses complices et ses opposants devant le fait accompli. Mais elle présente deux malheureux défauts : dans le cas de Wannsee, elle n'est pas établie, ni prouvée ; pire encore, elle ne correspond pas à la réalité (7). La comparaison avec les séminaires de Posen (1943-1944) est d'ailleurs, comme nous le verrons, peu pertinente.

A l'inverse, la thèse selon laquelle le génocide (I) et les moyens de sa mise en œuvre (II) ont été précisément, explicitement abordés à Wannsee est établie par de nombreux éléments : le texte du compte-rendu lui-même, le témoignage d'Eichmann, le contexte global de la conférence. Je les ai déjà abordés dans le cadre de ce fil, mais je vais les répéter ici, tout en réfutant les allégations invérifiables, fausses, ou aporiques de François Delpla.

Au passage, il est inexact de prétendre, comme lui, que ce débat opposerait François Delpla à Nicolas Bernard. Il oppose François Delpla aux spécialistes de la Solution finale, dont je ne fais que reproduire les conclusions. Ces historiens ont travaillé leur sujet, ils le maîtrisent parfaitement, ils ont défriché le terrain et planté le décor. C'est sur leurs ouvrages que je baserai mon démontage de l'hypothèse aventureuse de François Delpla.


I. L’objet de la conférence portait sur le génocide juif

François Delpla nie que le génocide juif ait été spécifiquement abordé à Wannsee. Ce faisant, il néglige le compte-rendu de la conférence (A). Et son hypothèse comporte ses propres limites (B).


A) Un compte-rendu limpide

La langue allemande devrait, pour suivre l’historien Gerhard Reitlinger, avoir « soudainement perdu tout sens » si ce texte ne parle pas de meurtre (8). La lecture du procès-verbal dressé par Eichmann, remanié par Heydrich et Heinrich Müller (le chef de la Gestapo), ôte en effet toute place au doute : il est bel et bien question de génocide.

Le texte du compte-rendu évoque les déportations massives des Juifs d'Europe « vers l'Est » (où, exactement ? Il ne le dit pas). Il différencie le sort des déportés selon qu'ils sont ou non aptes au travail forcé (1). Il témoigne d’une controverse révélatrice sur les Mischlinge (2).


1) Evacuation = mise à mort

S'agissant des premiers, le Protokoll est sans équivoque : « Formés en colonnes de travail, les juifs valides, hommes d’un côté, femmes de l’autre, seront amenés dans ces territoires pour construire des routes ; il va sans dire qu’une grande partie d’entre eux s’éliminera tout naturellement par son état de déficience physique. »

Autrement dit : la mort par le travail.

Himmler, le 26 janvier 1942, avait ainsi averti l’Inspecteur des Camps de Concentration (département économique), Richard Glücks, qu’il ne fallait plus attendre de prisonniers de guerre soviétiques dans un futur proche. Aussi compenserait-on ce manque par l’utilisation de déportés juifs. "Dans les quatre prochaines semaines, écrivait Himmler, préparez-vous à recevoir 100 000 juifs et plus de 50 000 juives dans les camps de concentration. Dans les prochaines semaines, les camps de concentration auront à faire face à des tâches économiques importantes." (8)

D’autre part, en Galicie, de Lvov à l’Ukraine occupée, des dizaines de milliers de juifs étaient chargés de la construction de la route de transit IV, la Durchgangstrasse IV. Ces travaux, qui coûtèrent la vie à des dizaines de milliers d’esclaves, furent entamés dès l’automne 1941. Les juifs étaient soumis à des conditions de vie effroyables dans des "camps provisoires" : il s’agissait bien évidemment de faire mourir les "juifs superflus", mais avec un rendement économique, à la différence des unités mobiles de tuerie qui exterminaient à la même époque les juifs soviétiques.

Cette route était destinée à l’armée allemande. Le projet fut conçu par l’organisation Todt. Les SS se chargèrent du recrutement des "travailleurs" : traduisez, la déportation. L’opération se poursuivit jusqu’en 1944, jusqu’à l’arrivée des Soviétiques. (9)

Heydrich faisait explicitement référence au projet Durchgangstrasse IV lorsqu’il évoquait la "sélection naturelle". Un moyen de mise à mort parmi d’autres. Interrogé vingt ans plus tard à Jérusalem, Adolf Eichmann a apporté cette confirmation :

Less. - Imaginons, par exemple, un homme qui doit accomplir un dur travail physique et qui ne reçoit pas suffisamment de nourriture ; il devient de plus en plus faible, à tel point qu’il est victime d’une crise cardiaque.

Eichmann. - Un tel cas aurait certainement été signalé comme "élimination naturelle" par le service responsable à l’Est et bien évidemment, à l’Office central de Sûreté du Reich, il serait tombé dans la rubrique "élimination naturelle". (10)

Rappelons qu’il s’agit là du sort qui attendait les juifs valides, tel qu’il l’est indiqué dans le compte-rendu, qui ajoute que "le résidu qui subsisterait en fin de compte - et qu’il faut considérer comme la partie la plus résistante - devra être considéré et traité en conséquence. En effet, l’expérience de l’histoire a montré que, libérée, cette élite naturelle porte en germe les éléments d’une nouvelle renaissance juive." Il faut le comprendre ainsi : ce « résidu » (sic) sera éliminé, pour éviter justement toute vengeance des juifs. Extrait de l’interrogatoire d’Eichmann :

Less. - Que signifient les mots : "devra... être traité et considéré comme résistant" ?

Eichmann. - Qu’il fallait les tuer, certainement. (11)

Les Juifs « aptes au travail » seraient donc terrassés par les conditions de travail, et les survivants seraient achevés par le meurtre. Quid des autres, les « inaptes au travail » ? Leur sort n’est pas évoqué par le compte-rendu. Un silence éloquent, et qui n’a guère troublé les nazis : exemple, à Riga, où le SD fusille ou gaze des déportés juifs allemands dès février 1942 car "inaptes au travail". Et ainsi de suite... (12)

Il faut souligner ce passage hautement révélateur du procès-verbal de la conférence : « Le secrétaire d’Etat Dr. Bühler déclare que le Gouvernement général serait heureux de voir la solution finale de cette question entreprise au Gouvernement général, parce que le problème des transports n’y présente qu’un caractère secondaire et que les problèmes de main d’oeuvre ne s’opposeront pas à l’action. Les juifs devront être éloignés le plus possible du territoire du Gouvernement général parce que le juif y constitue, comme porteur de germes, un danger considérable et qu’il trouble constamment la structure économique du pays par le marché noir qu’il pratique sans cesse. Des deux millions et demi de juifs qui seraient touchés par ces mesures, la majorité, de toute façon, est inapte au travail. »

Commentaire d’Eichmann, interrogé par l’Israélien Avner Less avant son procès :

Less. - Qu’est-ce que [Bühler] voulait dire par là ?

Eichmann. - Qu’ils devaient être tués. (13)

Les « inaptes au travail » devaient donc être exterminés. L’absence de mention de leur sort correspond vraisemblablement à une prudence rhétorique... Il est en effet facile de déduire leur extermination à partir de l’évocation des Juifs « valides », décimés et destinés à être achevés pour prévenir l’idée d’une « renaissance juive » : pourquoi parler de "renaissance" s’il n’est pas prévu d’éradiquer les Juifs d’Europe ?

Rappelons d’ailleurs que Josef Bühler était l’adjoint de Hans Frank, le gouverneur général de l’ex-Pologne, ce qui n’avait pas été annexé par les Allemands en 1939 (ni par les Soviétiques). Le Gouvernement général avait été transformé en véritable mouroir, parsemé de ghettos pour la population juive, qui se chiffrait en millions d’individus (de 2 à 3 millions selon les statistiques nazies).

Frank était à dire vrai impatient de régler au plus vite le "problème" posé par la présence des juifs sur le territoire du Gouvernement général. Il n’avait jamais dissimulé son mécontentement face aux déportations de juifs polonais vers les ghettos mis en place au sein de ce qu’il considérait comme étant son royaume.

D’où cette satisfaction à peine contenue lorsque les invitations adressées par Heydrich le 29 novembre 1941 arrivèrent au siège du gouvernement nazi, à Cracovie, rebaptisée Krakau. « Dans le Gouvernement général, l’annonce de la conférence, même si tous n’en parlaient pas, occupait tous les esprits. Brûlant d’impatience, Frank expédia à Berlin le secrétaire d’Etat Bühler pour sonder Heydrich. Lors d’un entretien personnel qu’il eut avec le chef du RSHA, Bühler apprit tout ce qu’il y avait à savoir. » (14)

Or il existe une preuve formelle que Heydrich avait évoqué l’extermination des juifs du Gouvernement général avec Bühler : la réaction de Frank lui-même, en date du 16 décembre 1941. Ce jour là, Frank expose des considérations extrêmement claires au cours d’une session du Gouvernement... (15)

Certes, tout n’est pas encore dit. Frank ignore-t-il encore que le territoire du Gouvernement général sera choisi pour y installer des centres de mise à mort ? En effet, l’extermination se produira donc, non pas « à l’Est », comme le suggère le Gouverneur, mais... en ex-Pologne. Cela dit, un camp d’extermination existe déjà, en ex-Pologne, dans le Warthegau. Un autre, Belzec, est en construction dans le district de Lublin, qui, lui, est inclus dans le Gouvernement général.


2) Le cas des Mischlinge

Que les participants aient été mis au courant de la finalité exterminationniste du projet hitlérien est par ailleurs confirmé par toutes ces controverses ardues sur la question des Mischlinge, les « demi-juifs » ou « quart-de-juifs ». Le sujet occupe la moitié du procès-verbal, preuve que la discussion a été serrée, en particulier de la part d’un juriste aussi pointilleux et imbu de lui-même que Wilhelm Stuckart, qui voyait ici avec déplaisir que son ordre législatif antisémite était simplifié à l’extrême par ces balourds de SS (un point fort bien rappelé par le récent téléfilm consacré à la conférence).

Dans certains cas, les Mischlinge seront « évacués ». Dans d'autres, ils seront stérilisés. Dans d'autres encore, plus proches des critères de germanité, d’aryanité, ils seront envoyés au « ghetto des vieillards », Theresienstadt, où ils seront soumis à un traitement moins barbare qu'ailleurs.

Si les cas les moins dérangeants sont stérilisés, que dire des évacués. A plus forte raison, leur sort sera pire, ce que révèle le compte-rendu (mais François Delpla l’a-t-il bien lu ?) : "Le Gruppenführer SS Hoffman exprima l’avis qu’il fallait user largement de la stérilisation, d’autant plus que le Mischlinge, placé devant le choix entre évacuation et stérilisation, se soumettra plutôt à la stérilisation » (p. 13).

Tiens donc ? Pourtant, être évacué n’est-il pas moins grave qu’être stérilisé ? A moins, bien sûr, que le terme « évacuation » ne signifie autre chose, dans le langage nazi… Les juges de Nuremberg faisaient preuve de logique et de bon sens, eux : « Une chose est claire, personne ne suggérerait que la stérilisation est un moindre mal s’il n’était totalement convaincu que la déportation signifiait un sort encore pire, c'est-à-dire la mort. » (17)

On ne saurait mieux dire.


B) Les limites de l’hypothèse de François Delpla

Selon lui, le génocide n’a pas été abordé à Wannsee. Les SS savaient ce qu’il en était, pas les invités. Outre qu’une telle hypothèse repose sur un postulat de départ erroné (2), elle est surtout aporique (1).


1) François Delpla se tire une balle dans le pied

François Delpla reconnaît que l'objet de la conférence portait sur le génocide. Il écrit la chose suivante, dans sa biographie hitlérienne : Garaudy "se gardait, d’autre part, de remarquer un petit mot, des plus symptomatiques : à l’arrivée dans les camps, on devait mettre au travail « les valides ». Et les autres ? Là est, bien entendu, la place des chambres à gaz (et autres moyens d’extermination rapide) et on peut lire ici, indirectement mais en toute clarté, une confirmation des scènes cent fois décrites de brutal triage à la descente des trains, où les enfants étaient arrachés aux mères jugées bonnes pour le travail avec la fallacieuse promesse qu’elles les « retrouveraient au camp ».

« En toute clarté », il est question de génocide. François Delpla l'écrit. Et dans le même temps, il s'efforce de nous faire croire que ce sujet n'a pas été explicitement abordé...

Rendons-nous compte ! Heydrich fait preuve d'un langage très clair, très... génocidaire, mais non, il ne cause pas d'extermination, et les invités restent dans l'ignorance ! La conférence traite de la déportation des Juifs, du sort des Juifs, le compte-rendu expose le sort funeste qui attend les esclaves juifs, ce qui permet automatiquement de déduire la condamnation à mort des Juifs non-aptes au travail forcé, mais le chef du RSHA commet une rétention d'information, de telle manière que les invités « peuvent aussi se persuader que leur coopération ne fait pas d’eux, à coup sûr, des assassins » ! Soyons sérieux.

François Delpla, tout simplement, se contredit. Il est absurde d'écrire à propos du principe même du génocide que, d'un côté, Heydrich fait preuve de clarté et, de l'autre, qu'il dissimule. En admettant que le compte-rendu correponde totalement au déroulement de la conférence (en réalité, il a été aseptisé - vide infra), comment est-il possible de prétendre que les invités n'auraient pas été tenus informés du projet de leur Führer ? Ils pouvaient tous déduire, et dans le contexte antisémite de janvier 1942, ne pouvaient manquer de le déduire, qu'il était question de génocide.

Dès lors, il est faux d'écrire que les invités n'ont pas été informés par Heydrich du sort qui attendait les Juifs déportés. Ils l'ont été, au moins de manière indirecte. L'information, sur ce point, n'était pas différenciée. Ils savaient.


2) SS et invités : une dichotomie pertinente ?

Selon François Delpla, les SS savent, les invités non. « A coup sûr Heydrich sait de quoi il est question, puisque cette solution finale consistant à mettre les uns au travail, les autres dans des fosses communes et bientôt des crématoires, il la met en oeuvre depuis des semaines en Pologne. Probablement les autres cadres SS présents, associés de près à cette besogne, en savent autant. Mais ceux des ministères civils n’en ont nul besoin. »

Or, une telle fracture n’a aucun fondement dans la réalité.

Il est faux de prétendre que les SS constituent un groupe homogène. Si Heydrich, Eichmann, Müller, Lange, Schöngarth savent déjà de quoi il retourne, la chose est plus douteuse s’agissant d’un autre SS, Otto Hofmann. Chef du Bureau central de la race et de la colonisation, il n’a pas été aussi impliqué que ses collègues dans l’extermination des Juifs à l’Est. En septembre 1942 pourtant, il déclarera que les générations futures « ne connaîtront plus le danger juif. Dans vingt ans, les Juifs n’existeront peut-être plus. Il y a en Russie européenne au total 11 millions de Juifs. Il reste donc encore du travail à faire. Je ne pense pas que nous en ayons éliminé plus d’un million. Il est temps qu’on soit débarrassé en Europe de cette peste. »

Comme le note Christian Gerlach, « Hofmann se réfère apparemment à ses souvenirs un peu flous de la conférence de Wannsee. L’extermination s’est en réalité déroulée plus rapidement qu’il ne le pense ; on ne le tient pas informé, et il vient de rencontrer Himmler pour la première fois depuis février 1942. » (18)

Il est tout aussi faux de prétendre que les « civils » ne savaient rien à leur arrivée à Wannsee. Il a été rappelé plus haut que Josef Bühler, l’adjoint du Gouverneur général de Pologne, savait probablement de quoi il retournait. De même, le représentant du Ministère de l’Intérieur, Wilhelm Stuckart (que Eichmann nous décrit comme très impliqué dans la réunion), avait été informé le 21 décembre 1941 par son adjoint Bernhard Lösener des exécutions massives de Juifs allemands près de Riga survenues trois semaines auparavant. Stuckart avait répliqué à Lösener que ces exterminations avaient été accomplies « conformément à des instructions reçues du plus haut niveau » (19).

Martin Luther, représentant du Ministère des Affaires Etrangères, devait également savoir. Réagissant à une demande de déportation des Juifs de Serbie, il écrivait à son supérieur, Ribbentrop, le 2 octobre 1941 : « Je pense, quant à moi, que l’élimination de ces 8000 Juifs incombe au commandement militaire. Dans d’autres territoires [l’Union soviétique], d’autres commandements militaires se sont chargés de quantités bien plus considérable de Juifs sans même le mentionner. » (20) Christopher Browning a écrit que le zèle de Luther allait lui valoir un siège à Wannsee (21).

L’adjoint de Martin Bormann à la Chancellerie du Parti, Klopfer, avait probablement accès à des informations relatives à l’activité des unités mobiles de tuerie (22).

Au total, au moins quatre « civils » connaissaient, ou avaient les moyens de connaître, la réalité que recouvrait le terme « Solution finale ».

Toujours est-il que le doute n’est, au terme de la conférence, plus permis. A tel point que l’un des pontes du Ministère des Territoires occupés de l’Est, Otto Braütigam, qui a déjà déclaré que la guerre à l’Est ne pouvait plus être militairement gagnée par l’Allemagne et songe manifestement à son avenir personnel, déclare au cours d’une seconde conférence dite de la « Solution finale », le 29 janvier 1942, que « dans la question juive, [il est] non importun de souligner la responsabilité de la SS et de la police » (23).

Ceux que la guerre n’a pas fauchés ont certes témoigné, au cours de leurs procès, qu’ils ne savaient rien de l’extermination des Juifs – splendide bobard destiné à sauver leur tête. Dès lors, ils allaient nier avoir pris connaissance du génocide en cours à Wannsee. Ainsi en est-il de Stuckart, mais Lösener a témoigné contre lui : « au plus tard à la fameuse conférence de Wannsee […] Stuckart a reçu des informations très précises » (24).

Il faut également noter que Heydrich est sorti très satisfait de la conférence. Il s’attendait à des objections. Mais rien n’est venu, hormis sur le cas des Mischlinge. Tous ont approuvé. Trop heureux de se débarrasser d’un fardeau trop lourd ? A l’heure de la défaite de Moscou et de l’entrée en guerre des Etats-Unis, difficile de l’exclure, au moins pour certains d’entre eux. Mais Eichmann a bien défini quelles étaient les intentions de son blondinet de patron : « Du point de vue de Heydrich, l’important était de piéger les Secrétaires d’Etat, de les impliquer de la façon la plus profonde, de les rendre prisonniers de leurs propres paroles. » (25)

A propos d’implication, François Delpla dresse une comparaison entre la conférence de Wannsee et les séminaires de Posen de 1943-1944, au cours desquels Himmler a complaisamment diffusé l’information du génocide juif aux cadres du Parti, de l’administration, de l’armée. Pour François Delpla, Wannsee n’a pu traiter de génocide, sous peine de faire de Posen un événement redondant : pourquoi les SS cracheraient-ils le morceau en 1943 s’ils l’ont déjà fait en 1942 ?

Une telle allégation est sans pertinence. D’abord parce que Wannsee constitue plus qu’une mission d’information : Heydrich cherche à obtenir l’appui bureaucratique des différentes administrations concernées. Le Ministère des Affaires Etrangères, par exemple, devra collaborer au travail de persuasion des différents Etats alliés ou occupés par l’armée allemande, s’agissant de la Judenfrage. Wannsee remplit ici un intérêt pratique.

Ensuite parce que les séminaires de Posen n’ont aucune implication de ce genre. Ils ont pour objectif d’informer, et de « mouiller », un nombre plus élargi de personnes. A la différence de Wannsee, tous les ministères, tous les Gauleiter, tout le Haut-Commandement sont concernés. Himmler se cantonne à une obligation de renseignement plus élargie. Dix-huit mois plus tôt, Heydrich se contentait de faire appel aux administrations indispensables, ce qui ne signifiait pas l’extension du secret à des institutions telles que l’armée ou la totalité du Parti. Wannsee restait dans le secret mais y conviait des initiés, et Posen dissipe ce secret pour le plus grand nombre.

Il faut, à ce propos, noter que les trente exemplaires du compte-rendu de la conférence de Wannsee ont été détruits ou ont disparu, à l’exception d’un seul, retrouvé dans un dossier du Ministère des Affaires Etrangères en 1947.

François Delpla prétend avoir trouvé, sur ce point, la parade : « Voyons, Nicolas ! Des archives bien moins accablantes ont été brûlées, et tu vas en déduire quoi ? Dans le chaos d'avril-mai 45, bien malin aujourd'hui encore qui démêlera les raisons de la survie de tel texte plutôt que de tel autre. »

A première lecture, une remarque s’impose. Des archives bien moins accablantes ont été brûlées ? Mais comment sait-il qu’elles étaient moins accablantes, puisque, précisément, elles ont été brûlées ? Passons sur ce bug logique.

Car ici, François Delpla ne fait qu’émettre une simple spéculation. C'est-à-dire qu’elle ne repose que sur son imagination. Rien d’autre.

Sa réfutation est, par conséquent, dépourvue de pertinence.



II. Les méthodes de mise à mort ont été évoquées au cours de la conférence

La question est posée : si le génocide a été abordé, qu’en est-il de ses outils ? Le compte-rendu les élude, mais on sait qu’il a été aseptisé pour les besoins de la cause (A). Le témoignage d’Eichmann confirme également que les méthodes d’extermination ont été évoquées (B). Enfin, la présence du tueur SS Rudolf Lange constitue à cet effet un bon indice en ce sens (C).


A) Un Protokoll édulcoré

Qu’il ne reproduise pas la réalité absolue est établi par Eichmann lui-même (1), par une petite phrase (2), ainsi que par le rôle de ce document lui-même, destiné à une diffusion plus large (3).


1) Les aveux confirmatifs d’Eichmann

Le procès-verbal rend-il fidèlement compte du déroulement de la conférence ? Pour François Delpla, absolument. Mais son premier rédacteur, Eichmann lui-même, qui à la différence de l’historien se trouvait sur place, aux premières loges, le dément.

Au cours de son procès à Jerusalem, il relate en effet que son texte sera révisé trois ou quatre fois par Heydrich, qui lui enverra sa version par l’intermédiaire de Müller, mais qu’il faudra encore la recomposer (26).

Il a été rappelé qu’Eichmann n’avait jamais nié que la conférence ait évoqué le génocide juif. Ses efforts, combinés à ceux de Heydrich et Müller, pour accoucher d’une version « respectable » démontrent que le texte a été édulcoré.


2) Les « possibilités de solution »

Le compte-rendu mentionne (dernière page) qu’« en conclusion, la discussion a porté sur les différentes formes de solution, et là, le Gauleiter Dr. Meyer et le Secrétaire d'Etat Dr. Bühler ont été d'avis qu'une certain travail préparant la solution finale devrait être effectué localement dans la région concernée, mais qu'en agissant ainsi, il fallait éviter de donner l'alarme à la population. »

Ces Lösungsmöglichkeiten ne sont pas précisées. De quoi s’agit-il ? Certainement pas des moyens de transports, déjà évoqués. Le terme reste vague. Et pour cause… Il ne peut que signifier l’évocation des moyens de mise à mort.

François Delpla s’en offusque : « Eh bien non, justement. Ces "solutions" peuvent avoir été fort diverses. Relis par exemple Brayard, qui montre qu'on n'en avait pas encore fini avec les projets de stérilisation. »

L’assertion est dépourvue de fondement. Elle témoigne même d’une erreur de lecture du document.

D’une part, la stérilisation est précisément évoquée, et de manière fort répétitive, dans le compte-rendu : qu’elle ne le soit pas ici indique donc qu’il s’agit d’autres Lösungsmöglichkeiten, ce que corrobore au demeurant l’usage du pluriel. L’édification de camps de travail, de chantiers est également déjà considérée pour les Juifs « valides ».

Il s’agit, dès lors, d’autre chose. Quelque chose qui a sans doute fait l’objet de considérations plus ou moins longues, car le compte-rendu spécifie qu’il y a eu « discussion ». Or, cette discussion n’est, à la différence des précédentes, pas traitée, elle est expédiée en quelques mots. Pourquoi ? La réponse est évidente.

D’autre part, la stérilisation était prévue pour les Mischlinge qui ne seraient pas évacués. C’était un palliatif, en lieu et place de l’évacuation. Si donc les évacués devaient également être stérilisés, pourquoi ne l’auraient-ils pas été sur place ? Pourquoi les stériliser « à l’Est » ? L’on voit bien que l’objection de François Delpla, outre de manquer de fondement par défaut de lecture du texte, camoufle un contresens logique.

François Delpla commet par ailleurs un léger anachronisme. Que la stérilisation soit encore retenue par les nazis au 20 janvier 1942 ne saurait faire oublier qu’elle désigne principalement les Mischlinge, lesquels feront l’objet d’une ardue controverse entre les juristes et les SS. Au 20 janvier 1942, la mécanique de l’extermination est lancée depuis 6 mois. Et il serait encore question, pour les « évacués », de stérilisation ? Absurde. L’Histoire l’a démenti.


3) Un document à diffuser

François Delpla nie que le document ait été édulcoré, pour la simple et bonne raison qu’il devait rester secret, non diffusé.

Il écrivait le 30 juin 2005 : « Encore faudrait-il démontrer que ce texte était fait pour circuler. En a-t-on la preuve ? » (27) Une question qui n’était qu’une affirmation déguisée. Car le 1er juillet 2005, il ajoute : « Le tirage du procès-verbal n'indique nullement qu'il ait été prévu de le diffuser "au sein des différentes administrations concernées". » (28)

Exposé aux preuves de la diffusion, il change de fusil d’épaule :

« Jamais dit ça ! D'ac avec toi pour supposer que chacun des 15 participants nommés (on ne sait s'il y en eut d'autres) a eu le sien, peut-être en double exemplaire, et que peut-être le RSHA s'en est gardé un peu plus. Il faudrait sans doute aussi ajouter Hitler et Himmler, ainsi que les ministres, puisqu'il n'y avait là que leurs secrétaires d'Etat (si double il y avait, c'était peut-être pour eux). On arrive vite à 30, sans supposer la moindre diffusion à des instances subordonnées. Quant à l'exemplaire trouvé à la Wilhelmstrasse, pourquoi ne serait-ce pas tout bonnement celui de Luther (présent) ou de Ribbentrop (ministre) ? Tu vois que l'objection ne m'a pas laissé KO et, encore une fois, respectons l'esprit de nos débats du Net. L'interlocuteur laisse de côté un argument qu'on juge essentiel ? qu'à cela ne tienne, on le lui rappelle gentiment en lui disant pourquoi il serait essentiel. » (29)

Ou comment passer de « ce document ne devait pas être diffusé » à « ce document a finalement été diffusé, mais de manière très restreinte », tout en prétendant ne jamais avoir énoncé la première proposition. Je n’aime pas qu’on me prenne pour un imbécile, François (d’où d’ailleurs le ton volontiers sévère dont je fais preuve ici).

Revenons au sujet, pour citer ces excellentes lignes de Laurence Rees : « Les minutes de la conférence de Wannsee sont à dessein opaques. Heydrich et Müller, le chef de la Gestapo, devaient les remanier plusieurs fois à cet effet. Le texte étant destiné à une large diffusion, le camouflage était nécessaire : ceux qui savaient le contexte comprendraient exactement de quoi il retournait tandis que l’absence de « parler cru » n’éveillerait aucun soupçon chez les non-initiés qui pourraient en prendre connaissance. » (30)

Götz Aly et Susanne Heim ajoutent que ce vocabulaire avait pour but de « rendre le génocide plus facilement gérable à l’aide de concepts aseptisés et à l’introduire dans le quotidien bureaucratique allemand » (31).

Le document a été diffusé. Tout d’abord, et comme le révèle la première page de l’unique exemplaire qui nous est parvenu, une série de trente copies a été réalisée. Ensuite, cette pièce a été retrouvée dans un dossier du Ministère des Affaires Etrangères allemand en mars 1947 par les services du Ministère public américain (32).

Comme le note Mark Roseman, « d’après certains signes, le Protocole fit des vagues chez les officiels allemands à travers l’Europe. Trente exemplaires en furent tirés et, selon une évaluation prudente, chacun toucha cinq à dix responsables. Nous savons que les responsables à Minsk en entendirent bientôt parler, tandis que le 23 mars l’expert aux questions juives de l’ambassade allemande à Paris, Cartheo Zeitschel, écrivit à ses supérieurs au ministère des Affaires étrangères pour les informer qu’il avait entendu dire qu’une réunion de Staatssekretäre avait eu lieu et qu’il demandait un exemplaire du procès-verbal. » (33)

Raul Hilberg ajoute : « Après que les participants se furent séparés, trente exemplaires du rapport de la conférence furent diffusés dans les ministères et les principaux bureaux SS. Peu à peu, l’annonce de la « Solution finale » filtra dans les rangs de la bureaucratie. Tous les fonctionnaires n’en furent pas aussitôt informés. Ce qu’un individu en savait dépendait de sa proximité avec les opérations de destruction et de son intuition quant à la nature du processus de mise à mort. » (34)

Christian Gerlach précise : « Les informations sur les résultats de la conférence de Wannsee circulent rapidement. Le jour suivant, Heydrich fait un rapport téléphonique à Himmler, tandis qu’Alfred Meyer en rend compte à Rosenberg. Le 23 janvier, Globocnik vient probablement à Berlin, et Hitler semble lui aussi avoir été très vite informé. Il est de plus possible que des nouvelles soient parvenues déjà à la fin de janvier jusqu’en Slovaquie. En juillet 1942, les fonctionnaires allemands – du Commissariat général de Lettonie, par exemple – sont exactement renseignés. » (35)

François Delpla fait, au demeurant, preuve d’un curieux point de vue sur la logique administrative. Voici une conférence au sommet entre les différents chefs exécutifs des administrations et les pontes du RSHA, conférence qui, pour tous, planifie l’extermination, traduit une réunion des compétences sous la férule de Heydrich, donnera une impulsion nouvelle à la Solution finale, et son compte-rendu ne ferait l’objet d’aucune diffusion au-delà des secrétaires d’Etat ? Comment donc, dans ce cas, justifier auprès de ces administrations, du moins des autres responsables, la nouvelle politique ? Chaque directeur de cabinet, chaque cadre a besoin de textes. Le Protokoll a nécessairement servi de fondement à la mise en branle des différents bureaux ministériels et administratifs. Il a au moins du été transmis (contre restitution) aux proches collaborateurs des invités. Souvenons-nous, à titre d’exemple, que les juristes se sont déchirés à propos des Mischlinge, suite à la conférence de Wannsee. D’autres conférences sur la Solution finale auront d’ailleurs lieu par la suite…


B) Eichmann : « un scribe jouant sa tête » ?

Eichmann a témoigné qu’il avait été question de génocide à Wannsee. Il est allé plus loin, comme en témoigne cet extrait des minutes de son procès (36) :

Accusé Eichmann. - Tout ce que je sais est que ces messieurs se réunirent et alors, en termes crus - ils n'employaient pas ce langage que je me devais d'utiliser dans nos comptes-rendus, mais des expressions sans ambiguïté aucune -abordèrent le sujet dans mâcher leurs mots. Le souvenir que j'ai gardé de tout cela serait confus si je ne m'étais pas rappelé de m'être dit à moi même à l'époque : regarde, regarde bien Stuckart que l'on a toujours pris pour un bureaucrate respectueux des lois, toujours pointilleux, et tatillon, quel ton maintenant il emploie. Le langage de ces messieurs n'était absolument pas conforme à celui des procès-verbaux. Je voudrais ajouter que c'est la seule chose de cette conférence dont le souvenir soit resté encore bien clair dans mon esprit.

Le président. - Qu'a-t-il dit sur le sujet ?

Accusé Eichmann. - En particulier, Monsieur le Président, j'aimerais...

Le procureur. - Non, pas en particulier - en général !

Accusé Eichmann. - La discussion traita de meurtres, d'élimination et d'annihilation.

Pour des raisons évidentes, François Delpla rejette ce témoignage. Il n’a pas confiance en Eichmann.

Pourtant, connaît-il le personnage ? Il est loisible d’en douter. Voici ce qu’il écrit sur son site : « Après tout, il est possible que même certains cadres SS, et même Eichmann (mais certes pas Heydrich) aient alors ignoré l’ampleur du projet meurtrier et le rythme effréné de sa mise en oeuvre. » (37)

Or, Eichmann est plutôt bien placé pour connaître les « détails ». Il a assisté à une exécution de masse à Minsk au début de l’automne 1941 (38). Un mois auparavant, il a requis l’exécution des Juifs de Serbie (39). Il a assisté au développement du futur camp d’extermination de Belzec (40). Selon Christopher Browning, c’est vers septembre 1941 que Eichmann apprend de Heydrich que le Führer a donné l’ordre de l’extermination des Juifs (41). Bien avant Wannsee, Eichmann fait immanquablement partie des initiés.

Mais bon, François ne l’aime pas. Sans vraiment s’expliquer, il préfère le compte-rendu et son interprétation littérale : « Excuse-moi, je n'ai pas pour principe d'opposer à un document écrit d'époque les commentaires, émis près de 20 ans plus tard, d'un scribe qui joue sa tête, surtout lorsqu'ils sont de nature à atténuer sa faute, par rapport à ce que lui-même a écrit. »

Ce faisant, François Delpla se contredit une fois de plus, outre d’émettre une contre-vérité.

Cette contre-vérité, c’est celle-ci : Eichmann, à l’en croire, ne serait qu’un « scribe ». Or, c’est lui qui a été chargé de la préparation de la réunion, c’est lui qui a mis au point les dossiers exposant la réalité de la Judenfrage en Europe, et c’est à lui que doivent s’adresser les experts de chaque administration à l’issue de la conférence, comme en témoigne la lettre de Heydrich à Martin Luther (Affaires étrangères) en date du 26 janvier 1942 (42). On connaît son rôle dans la gestion des déportations des Juifs d’Europe. Non, à tout point de vue, Eichmann, à Wannsee, n’est pas un scribe.

C’est pourtant ce qu’il prétendra par la suite. Et c’est là que François Delpla se contredit. Car d’un côté, il déclare se méfier de cet individu, qui adopterait une stratégie de défense. Mais dans le même temps, il adhère pleinement à la version des faits d’Eichmann, selon laquelle son rôle, ce 20 janvier 1942, a été réduit à l’extrême (43) ! Très cohérent, tout cela…

Non, la vérité est que Eichmann, effectivement, se défend au cours de son procès. Mais sa stratégie de défense consiste en une réduction drastique de son implication dans l’indicible. Son interrogatoire par Avner Less, les audiences du procès, démontrent qu’Eichmann se pose en petit fonctionnaire docile, qui s’est contenté d’obéir aux ordres de ses supérieurs, sans savoir de quoi il retournait. Tout au plus a-t-il été un dactylo haut-gradé, accomplissant occasionnellement quelques visites sur les sites d’extermination pour simplement en rendre compte à sa hiérarchie !

C’est cette ligne de défense qui prévaut sur la conférence de Wannsee. A l’en croire, il n’aurait fait que préparer la conférence, sans savoir au juste de quoi parlait Heydrich. Il a été question de meurtres, certes, mais lui, Eichmann, s’est limité à la retranscription de ces propos.

L’affirmation de François Delpla selon laquelle Eichmann, sur ce point, aurait cherché à mouiller tout le monde aux dépends de la vérité historique ne repose sur rien et se voit contredite par l’attitude de l’accusé. Il pourrait faire preuve de mauvaise foi, nier, comme d’autres avant lui, que le Protokoll ait abordé le génocide, se raccrocher à quelques expressions, à un vocabulaire volontairement apaisé. Mais non. Il avoue que le génocide et ses méthodes ont été discutés. Mais lui n’a rien discuté du tout, il n’a pas ouvert la bouche :

Eichmann. - Si j'avais ouvert la bouche, ne serait-ce qu'une seule fois, je vous dirais : oui. Mais j'ai du tenir ma langue et me taire. J'étais assis dans un coin avec la sténotypiste et personne ne s'est occupé de nous. Nous étions beaucoup trop insignifiants. On n'a pas fait attention à nous, même pas Heydrich.

Less. - Oui, mais votre présence, le fait aussi que vous soyez nommé sur le procès-verbal...

Eichmann. - C'est moi qui ai fait le procès-verbal. Si on regarde l'en-tête, on peut lire : chef de la Police de Sûreté et du SD - ce qui veut dire bureau IV B 4.

Less. - L'impression que cela me fait est que l'on vous avait réservé un rôle plus éminent pour l'avenir qui exigeait votre présence.

Eichmann. - Si tel est le cas, ce rôle éminent je ne le devrais qu'à moi-même, car c'est moi-même qui me le suis assigné. J'aurais le courage de le dire sans ambages, car que risquerais-je de plus ? (44)

François Delpla y souscrit. Tout en me mettant en garde de faire le jeu d’Eichmann, il... fait le jeu d’Eichmann.


C) La présence de Rudolf Lange

Eichmann a affirmé que les exécutions (par balles) et des « histoires de moteur à explosion » avaient été abordées, mais pas le cas du Zyklon B.

Il est vrai qu’au 20 janvier 1942, les Juifs ont surtout été exterminés par balles, et par camions à gaz, lesquels fonctionnaient sur le principe du moteur à explosion homicide. Depuis le début décembre 1941, le camp de Chelmno utilise de tels camions. L'opération T-4 prévoyait également l'extermination par l'usage de gaz s'échappant des moteurs à explosion. Le Zyklon B, lui, vient à peine d'être testé à Auschwitz, et le monoxyde de carbone reste encore la panacée.

Au demeurant, l’on voit mal pourquoi Eichmann mentirait. Il reconnaît que les balles et le monoxyde de carbone ont été exposés, nie toute évocation du Zyklon B. Pourquoi n’aurait-il pas tout nié ? François Delpla ne l’explique pas. Il y a beaucoup de choses qu’il n’explique pas.

La discussion sur les différentes possibilités de mise à mort, en fin de conférence, a certainement mobilisé les compétences de Rudolf Lange, officier SS qui avait supervisé l'action des unités mobiles de tuerie dans les Etats baltes. A l’exemple de Gerald Fleming, je vois mal pourquoi Lange aurait été invité s’il devait rester muet. Or, ses seules compétences, en matière de « question juive », portaient sur l’extermination. Il connaissait, de par ses activités, les exécutions par balles et les camions à gaz. Peut-être a-t-il relaté les inconvénients posés par de tels procédés : usure du moral des bourreaux, insuffisances techniques des camions, ce pour permettre à Heydrich d’enchaîner sur l’instauration de centres de mise à mort fixes en Pologne.

C’est ainsi qu’il faut comprendre de passage précité de la dernière page du procès-verbal : à l’évocation des formes de solution possible, « le Gauleiter Dr. Meyer et le Secrétaire d'Etat Dr. Bühler ont été d'avis qu'une certain travail préparant la solution finale devrait être effectué localement dans la région concernée, en évitant cependant de provoquer l'inquiétude de la population ». La région concernée n’est autre que la Pologne occupée, où la situation des ghettos juifs surpeuplés a empiré : « le Juif, porteur d'épidémie, y représentait un danger particulièrement éminent, et apportait en outre, par ses trafics continus, le désordre dans la structure économique du pays. Sur les 2 millions et demi de Juifs concernés, la majorité étaient par ailleurs inaptes au travail. »

Cette intervention constitue probablement une réponse à une allusion de Heydrich ou Eichmann à ces centres de mise à mort immédiate, au nombre de deux, et qui tous deux se situent en Pologne : Chelmno et Belzec. Apprenant ce fait, ou se le voyant confirmer, Bühler et Meyer, de l’Ostministerium, demandent à ce que des travaux préparatoires s’effectuent sur ce territoire, sans alarmer la population, de manière à accélérer l’extermination de ces 2,5 millions de Juifs.

Mais François Delpla, s’agissant de la présence de Rudolf Lange à Wannsee, répond paresseusement que « la moitié des participants étaient des cadres SS de la Solution finale et qu'il est aventureux de déduire de la présence de l'un d'eux, sans répondant aucun dans le p-v, qu'il a parlé de son job. » Il ne s’agit ni d’une démonstration, ni même d’une preuve, mais d’une spéculation, à confronter avec ce que je développe. François Delpla m’avait habitué à mieux…



Conclusion

Il était une fois une conférence en banlieue berlinoise, par une froide journée d’hiver, à l’heure où la guerre est devenue mondiale et où l’armée allemande a renoncé à s’emparer de Moscou. Les SS y ont convié les différents directeurs des administrations présentant, en matière de génocide, quelque intérêt : le Parti, pour offrir à Heydrich son concours ; la Chancellerie du Reich, pour imiter le Parti ; le Ministère de la Justice et le Ministère de l’Intérieur, pour laisser les SS agir à leur guise ; le Ministère des Affaires Etrangères, pour intervenir au niveau diplomatique compte tenu du caractère européen de la Solution finale ; le Gouvernement général de Pologne, l’administration des territoires soviétiques occupés, où s’opère le génocide depuis six mois…

Cette réunion doit simplifier le chaos entourant l’extermination des Juifs. Les différentes administrations du Reich mettront fin à leurs querelles personnelles et confieront la planification et l’exécution de cette tâche aux SS. Dès lors, elles auront « travaillé en direction du Führer ».

Fort du mandat que lui avait donné le Reichmarshall Göring, Heydrich se laissait toutefois aller à quelques inquiétudes. Et si les bureaucrates posaient des objections ? Le processus d’annihilation allait-il être compliqué, remis en cause par ces « messieurs très polis », pour reprendre la formule d’Eichmann ? La journée du 20 janvier 1942 démentira ce pronostic. Personne ne s’opposera au génocide, et tous donneront leur aval à cette mainmise des SS sur la Judenfrage. Soulagé, Heydrich trinquera avec Eichmann et Müller.

La plupart des participants de la conférence ne survivront pas à la guerre ou aux procès qui s’ensuivront : Heydrich, Luther, Meyer, Schöngarth, Bühler, Lange, Freisler. Les autres s’en sortiront, à l’exception de Kritzinger et Neumann, décédés respectivement en 1947 et 1948, Stuckart, qui périra connement dans un accident de la circulation en 1952, et Eichmann, pendu à Jerusalem. Müller disparaîtra dans les ruines du IIIe Reich, probablement mort… Entre-temps, le projet qu’ils avaient discuté ce 20 janvier 1942 avait supprimé six millions de Juifs d’Europe.

Prétendre, à la lumière des faits exposés ici, que la plupart des invités n’étaient pas au courant de ce génocide, ne savaient pas, n’avaient pas été informés au cours de cette réunion revient, au final, à atténuer leurs responsabilités pourtant écrasantes. Comme je l’expliquais en introduction, François Delpla, qui fait partie de ces individus qu’il faudrait inventer s’ils n’existaient pas, ne fait évidemment pas dans le négationnisme, même s’il fournit ici des munitions à cette propagande. Néanmoins, à lire ses interventions sur un événement d’une aussi funeste portée, et je songe surtout à son dernier message sur ce fil, il me vient à l’esprit cette phrase qui a profondément marqué ma conception de l’Histoire en général et du statut de l’historien en particulier : « L’historien est, à sa façon, un professeur de bonnes manières et un ennemi de la liberté : celle de s’asseoir négligemment sur les faits. » (45) Espérons qu’il réhabilite cette profession de foi.



Notes

(1) Ainsi, à en croire François, Roger Garaudy, "au moins sur un point", avait raison contre tous les historiens, était à même de leur donner, lui, un falsificateur antisémite, des leçons de méthodologie. C'est oublier que Garaudy, conformément à la méthode négationniste, fait dire n'importe quoi aux historiens qu'il cite, ne prétend pas s'impliquer dans un débat avec eux mais s'efforce de distiller une propagande néo-nazie, manipule ses sources, falsifie les documents, en gros fait ce que tout négationniste sait faire : de l'anti-Histoire. Voir :

(2)

(3)

(4)

(5) Richard Harwood est un pseudonyme de Richard Verral, rédacteur en chef de Spearhead, organe du très britannique, très raciste, très antisémite et tout à fait néo-fasciste National Front. Il recopie fidèlement les mensonges du gourou négationniste Paul Rassinier :

(6) Tel est, par exemple, le cas de l'escroc allemand et néo-nazi Germar Rudolf :

(7) Elle présente toutefois un intérêt, car étant de nature à nous éclairer sur les intentions préalables de Heydrich en novembre 1941, à l'heure où la conférence est prévue, non pour le 20 janvier 1942, mais pour le 9 décembre 1941, c'est à dire à une date où Hitler n'a pas encore annoncé aux Gauleiter son projet de génocide (12 décembre 1941). Mais c'est invérifiable.

(8) Christian Gerlach, Sur la conférence de Wannsee, Liana Levi, 1999, p. 77.

(9) Peter Padfield, Himmler, Cassel, 2001, p. 362 ; Richard Breitman, The architect of genocide, Brandeis University Press, 1992, p. 234.

(10) Voir :

Plus d’informations dans le message de Gilles Karmasyn :

(11) Eichmann par Eichmann, Grasset, 1971, p. 125.

(12) Ibid.

(13) Christian Gerlach, Sur la conférence de Wannsee, op. cit., p. 82.

(14) Eichmann par Eichmann, op. cit., p. 128-129.

(15) Raul Hilberg, La destruction des juifs d’Europe, Gallimard, 1991, vol. 2, p. 347.

(16) Reproduites ici :

(17) Mark Roseman, Ordre du jour : génocide, Audibert, 2002, p. 107.

(18) Christian Gerlach, Sur la conférence de Wannsee, op. cit., p. 79.

(19) Gerald Fleming, Hitler et la Solution finale, Julliard, 1988, p. 144-146.

(20) Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 593.

(21) Christopher Browning, The Final Solution and the German Foreign Office, Holmes & Meier publishers, Inc., 1979, p. 56 et s..

(22) Mark Roseman, op. cit., p. 135.

(23) Christian Gerlach, Sur la conférence de Wannsee, op. cit., p. 73-74.

(24) Mark Roseman, op. cit., p. 106.

(25) Ibid., p. 123.

(26) Cité in Raul Hilberg (dir.), Documents of Destruction, Quadrangle Books, 1971, p. 101.

(27)


(28)

(29)

(30) Laurence Rees, Auschwitz. Les nazis et la “Solution finale”, Albin Michel, 2005, p. 123.

(31) Aly & Heim, Vordenker der Vernichtung, Hoffman und Campe Verlag, 1991 et Fischer Taschenbuch Verlag, 1993 et 1997, p. 454, cité in Dominique Vidal, Les historiens allemands relisent la Shoah, Complexe, 2002, p. 94.

(32) Mark Roseman, op. cit., p. 13.

(33) Ibid., p. 146-147.

(34) Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, op. cit., p. 349.

(35) Christian Gerlach, Sur la conférence de Wannsee, op. cit., p. 79.

(36) Gerald Fleming, Hitler et la Solution finale, op. cit., p. 127.

(37)

(38) Christopher Browning, The origins of the Final Solution, University of Nebraska Press, 2004, p. 537.

(39) Christopher Browning, The Final Solution and the German Foreign Office, op. cit., p. 58.

(40) Christopher Browning, The origins of the Final Solution, op. cit., p. 371.

(41) Ibid..

(42)

(43) Eichmann par Eichmann, op. cit., p. 134-136.

(44) Ibid., p. 135-136.

(45) François Delpla, Aubrac. Les faits et la calomnie, Le Temps des Cerises, 1997, p. 8.

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