Bonjour,
Où l'on voit qu'il est difficile de "cerner" politiquement un écrivain de ce format... ! La mise en boîte idéologique fonctionne mal et le flou public des intentions de l'écrivain reflète un vrai malaise intérieur après la débâcle et la défaite. Ses amis témoignèrent tous de ce malaise permanent. On peut se demander : et si Saint-Exupéry ne pouvait pas s'engager, je veux dire viscéralement ?
Dans les premiers temps de son installation un peu bohême (mais très chic !) dans la Grosse Pomme, Saint Exupéry semble vouloir éviter les aimentations politiques, qu'elles soient gaullistes ou pétainistes.
(Comme le soulignent François Kersaudy et Stacy de la Bruyère, rien qu'à New York trois groupuscules fratricides se disputent la représentativité de la France libre... Aglion, le premier envoyé de Charles de Gaulle dut présenter trois fois sa lettre de créance !)
Concernant son intégration "forcée" au Conseil national par Vichy - curieusement, la biographe parle d'une rumeur répandue dans les cercles français de New York par un esprit malintentionné... - , l'écrivain la dément et organise pour cela une conférence de presse qui accompagne la publication d'un texte de mise au point.
La biographe mentionne la lettre violente à André Breton. A cette époque, il estime que l'armistice avait été nécessaire et que Pétain était le moins mauvais de trois maux. Il voyait en de Gaulle un dictateur et était remonté contre certains gaullistes qui lui avaient mis la pression pour le faire adhérer "à tout prix" à la France libre.
Si l'écrivain ne critiquait pas Vichy publiquement, en privé, il parlait de l'Etat de Pétain comme d'un "monstre mou".
Ces refus de s'engager publiquement valurent à Saint-Exupéry une campagne d'insinuations, de ragots et de contre-vérités qui l'isolèrent davantage encore politiquement. Mais sa popularité auprès des lecteurs américains n'en souffrit pas, au contraire.
Bien cordialement,
RC |