Bonjour,
Toujours à propos de la non-application des Protocoles de Paris et de la position de Darlan, dans l'ouvrage collectif "La France des années noires t. 1 De la défaite à Vichy", sous la dir. de J.-P. Azéma et F. Bédarida, Robert Frank écrit dans son article consacré aux choix politiques de Pétain, Laval et Darlan :
"Certes, les Protocoles de Paris ne sont pas appliqués en ce qui concerne Bizerte et Dakar, grâce à l'intervention musclée de Weygand au Conseil des ministres du 3 juin."
Puis R. Frank reprend et discute un argument des deux biographes de l'amiral - Hervé Couteau-Bégarie et Claude Huan selon lesquels "Darlan lui-même liait l'exécution de ces dispositions aux contreparties politiques et économiques dont le principe avait été accepté par Abetz dans un protocole additionnel signé le 28 mai." En revanche, selon Frank toujours, "leur hypothèse selon laquelle la demande de ces contreparties politiques auraient été un prétexte pour saboter l'exécution des protocoles militaires ne tient pas. Les "papiers Darlan" montrent au contraire à quel point l'amiral tient à ces compensations et comment, pendant tout le second semestre 1941, il continue précisément de demander un assouplissement du cadre de l'armistice. Cette politique du "donnant-donnant" ne vise nullement à "résister" aux Allemands, mais au contraire à asseoir la crédibilité de la collaboration et à la renforcer."
Frank précise ensuite que Darlan joua un rôle décisif dans le renvoi de Weygand de son poste de commandant en Afrique du Nord et d'ajouter :
"Il (Darlan) fait tout pour sauver sa politique de collaboration, et les Allemands l'ont habilement manipulé.
Et J.-P. Cointet soulève la question :
"Il n'est pas interdit toutefois (...) de se demander dans quelle mesure Darlan lui-même, s'étant aperçu qu'il était dans une impasse côté allemand - l'absence de tout "geste" politique de ce côté étant visible avant même la signature des Protocoles -, ne s'est pas arrangé pour faire retomber sur Weygand la responsabilité de l'échec, le désignant par là comme l'homme à éliminer, tout en gardant en main les fils ténus de la négociation. Darlan, qui n'appréciait déjà guère Weygand (note : c'est rien de le dire !), guette désormais l'occasion d'obtenir son renvoi." (p.199)
Weygand fut destitué en novembre 1941.
Bien cordialement,
RC |