Bonsoir,
Dans son essai "Une autre Suisse, 1940-1944" chez Kiron/Félin/Labor&Fides, Jean-Pierre Richardot écrit des lignes qui concernent les gens de ma génération, suisses ou métissés, qui ont grandi et suivi leurs études ici en étant mal à l'aise avec l'histoire récente de la Confédération :
"La Suisse aujourd'hui est en pleine crise d'identité, en pleine crise de conscience.(...) Aurait-elle dû, aurait-elle pu agir différemment envers les réfugiés, le Troisième Reich, les Alliés ?(...) La calomnie et la culpabilisation se sont glissées partout.
Les Suisses les plus instruits et d'âge moyen ne pardonnent pas à la génération en place à la tête du pays pendant la guerre son attitude envers les réfugiés, de l'été 1942 à l'été 1944. Ils estiment qu'on leur a menti. Sans toujours en être conscients, ils ont honte des refoulements survenus aux frontières qui ont pu entraîner la disparition de familles en détresse. Et ils veulent ignorer que la plupart des Suisses d'alors n'étaient pas réellement informés de ces drames. (...)
Cette fraction jeune et instruite de la population suisse dénie à son propre pays toute attitude respectable et digne pendant les "années sombres". Bizarrement, ces contestataires en arrivent à une position pour le moins paradoxale : ils ne veulent rien connaître de ce qui a sauvé l'honneur de la Suisse pendant la guerre - l'aide apportée aux Alliés, à la Résistance européenne (française, italienne, allemande, polonaise, ...), aux réfugiés, aux maquisards, aux enfants, aux soldats internés.(...) Ce livre répond à une question simple : Y a-t-il eu une résistance suisse ? La réponse est oui, même si ce fut dans un cadre particulier"
Je l'avoue, j'ai été un de ces jeunes, puis moins jeunes, puis plus jeunes du tout (franco-)suisses qui a rejeté longtemps tout intérêt pour l'histoire du pays de son père. Et puis, la violente charge de l'accusation du procureur américain, relayée par les opinions publiques américaine et mondiale dans l'affaire extrêmement grave des fonds en déshérence m'a progressivement donné envie de savoir ce qu'avait fait la génération de mes grand-parents paternels durant le guerre. Là, il fallait aussi nuancer : il y eut la position des élites, celle du peuple des ouvriers et des paysans, celle des instituteurs et des officiers, celle des banquiers et celle des conseillers fédéraux.
Et je suis tombé sur le nom de Masson dans différents ouvrages traitant de "Combat", de Jean Moulin et des MUR. J'avais mon fil pour l'histoire socio-politique de la Suisse durant les années noires : le chef du SR suisse et son action durant les cinq années d'une guerre qui devint totale. Même neutres, des Suisses prirent position et certains l'ont payé cher.
Voilà l'origine de ce fil qui a débuté doucement.
J'espère parvenir à une modeste synthèse afin de dissiper les clichés et les silences gênés-gênants.
Cordialement,
René Claude
PS: Merci à Laurent pour les éléments sur le SR. |