Dans son livre Histoire de la Résistance 1940-1945 (Perrin, 2013, sans le label du ministère de la Défense !), Olivier Wieviorka (nom souvent mal orthographié !) écrit, dans son sous-chapitre consacré aux Glières (et inspiré de la thèse de Claude Barbier, qu’il a dirigée et qu’il cite en notes) « Le drame des Glières », page 347, que la Haute-Savoie a été mise en état de siège le 24 janvier 1944, c’est-à-dire (implicitement) avant la décision de Churchill, prise entre le 25 et le 27 janvier, d’y effectuer des parachutages d’armes.
Cette assertion non référencée n’est pas vraie.
D’après le très scrupuleux Pierre Mouthon (Résistance, Occupation, Collaboration – Haute-Savoie 1940-1945, éditions du Sapin d’or, 1993, pages 177-178), le 24 janvier 1944, Darnand, secrétaire général au Maintien de l’ordre, a bien nommé le colonel de gendarmerie Lelong intendant de police et directeur du M.O. en Haute-Savoie, mais c’est seulement le 28 janvier que celui-ci établit un couvre-feu de vingt heures à six heures et interdit l’accès au département ; le 31 janvier qu’il fait publier sa fameuse proclamation aux habitants de Haute-Savoie menaçant tout détenteur d’armes de la cour martiale ; le 2 février qu’il interdit de sortir du département sans autorisation.
Puis, Olivier Wieviorka reprend la thèse de Claude Barbier quand il écrit, toujours à la page 347 : « Ce durcissement rendait la vie impossible aux proscrits [réfractaires au S.T.O., note Alain Cerri], ce qui conduisit la résistance à ordonner la montée de plusieurs camps sur le plateau des Glières afin d’abord « de se réfugier » [citation de Claude Barbier, toutefois mise entre parenthèses par Olivier Wieviorka, note A.C.]. L’afflux de volontaires comme les atouts géographiques que présentait le site poussèrent alors Londres à profiter de cette double aubaine pour planifier une série de parachutages destinés à armer la Résistance alpine. »
Olivier Wieviorka, à l’instar de Claude Barbier, a donc « tout faux » sur ce point capital ! C'est le contraire qui est vrai : les maquisards montent d'abord en nombre restreint sur le plateau des Glières pour préparer la réception des parachutages promis par les Anglais et ils s'y regroupent peu à peu par la suite pour constituer et défendre une base d'opérations en vue du Débarquement annoncé :
1) Le 20 janvier 1944, le Bureau (français) de renseignement et d'action de Londres prévoit de former des réduits dans les montagnes françaises (cf. Crémieux-Brilhac, La France libre, Gallimard, 1996, page 780) ;
2) Le 27 janvier au plus tard, Churchill promet des parachutages d’armes massifs aux Glières dès le mois de février (cf. Crémieux-Brilhac, Ibid., page 774) ;
3) Le 31 janvier, Tom Morel, sur ordre de Romans-Petit, monte sur le plateau pour réceptionner les parachutages avec trois camps de maquisards (soit environ 120 hommes) tandis que les autres camps restent dans la vallée (le corps franc, où se trouve mon père, ne montera que le 8 mars, même s'il est attaqué par la Milice française dès le 5 février !) et alors que l’état de siège commence seulement à se mettre en place.
Comme l'écrit très justement Alain Dalotel (Le maquis des Glières, Plon, 1992, page 131) : « […] le cadre local est dépassé ; d'une part, Vichy fait de ses opérations de maintien de l'ordre en Haute-Savoie un test national, d'autre part, la France libre [...] tente quelque chose de capital. » De la part des maquisards de l'Armée secrète, il ne s'agit pas de se cacher, mais d'établir une base d'attaque sur les arrières des Allemands lors du Débarquement annoncé pour le printemps.
Quant à Olivier Wieviorka, peu éclairé par Claude Barbier qu’il cite et suit toujours, il manifeste son ignorance de la situation des Glières lorsqu’il écrit ensuite : « Les officiers [des Glières, officiers de chasseurs alpins de carrière expérimentés ! note A.C.] ne mesurèrent pas que ces deux logiques se contredisaient, car, si le refuge postulait la discrétion, le largage de dizaine de containers, en revanche, ne pouvait qu’attirer l’attention des forces répressives. » Olivier Wieviorka ne s’aperçoit pas que c’est lui-même qui se contredit en affirmant que les maquisards voulaient à la fois se cacher, comme le lui suggère Claude Barbier, et réceptionner des parachutages d’armes ! |