Bonsoir,

Tout d'abord, merci à Emmanuel pour toutes ces précisions.

De mon côté, j'ai consulté différents auteurs ayant traité de l'Algérie. De Gaulle, qui n'était pas au pouvoir, se confiait aux uns et aux autres sans que l'on sache exactement qu'elle était le fond de sa pensée.
Ainsi le 8 janvier 1958, de Gaulle accorda un long entretien à Tournoux, reproduit aux pages 276 et suivantes de "La tragédie du général" :

Mon Général, au sujet de l'Algérie, beaucoup de "plans" vous sont prêtés périodiquement. Chacun prétend interpréter votre pensée dans le sens qui lui est favorable, les uns pour couvrir une politique de l'abandon, les autres pour préconiser une politique de reconquête en Afrique du Nord.

- On peut bien m'attribuer tous les plans que l'on voudra. Quoi que je puisse dire, on ne le fera pas. Inutile donc de pérorer. Vous comprenez, si de Gaulle fait connaître maintenant son opinion, ses propos seront exploités, à droite comme à gauche. A droite, dans le sens d'une aggravation des la répression, à gauche, par qui vous savez, dans le sens de l'abandon de l'Algérie. Quelle politique voyez-vous, pour votre part, en Algérie ?

- Je me trompe peut-être, mon Général. Sincèrement, je pense que la loi-cadre représente une tentative loyale d'arbitrage entre les communautés. J'ajoute que le problème n'est pas celui de l'Exécutif qui sera établi demain à Alger, mais celui de l'Exécutif qui existera à Paris. Sans Exécutif fort à Paris, quelle que soit la valeur de la loi-cadre, tous les liens seront bientôt tranchés entre la métropole et l'Algérie.

- Vous avez du mérite de croire à la loi-cadre ! La loi-cadre n'est que l'expression de l'internationalisation de l'affaire algérienne. Un jour, le monde se fâchera, et ce sera l'internationalisation encore plus accentuée. Evidemment, on peut être les plus fort, on peut envoyer en Algérie 400.000, puis 800.000 hommes, puis des bombes de 100 tonnes, puis 500 tonnes. On ne changera pas le destin d'un pays.
L'Algérie a un destin, elle a une vocation. Si on fait voter les Algériens, ils voteront tous pour l'indépendance. Je ne connais pas un seul Algérien de qualité qui croie que l'avenir de l'Algérie soit la France.

[...] un peu plus loin :

De Gaulle : Pour le moment, l'armée tient le terrain. Les Allemands aussi tenaient le terrain en France pendant l'occupation.
Si j'étais resté aux affaires, j'aurais arrangé, j'aurais réglé la question nord-africaine. J'avais vu le Sultan. Nous étions d'accord. Je lui avais dit : "Laissez-nous voter la Constitution. Nous essaierons qu'elle aille dans le sens fédéral et je ferai une politique d'entente entre nous."
Bien entendu, l'indépendance devrait être à la clé de cette politique. Mohamed V avait le désir sincère de maintenir des liens organiques avec la France. C'eût été d'ailleurs l'intérêt du Maroc. J'aurais agi de même avec la Tunisie.
En Algérie, c'est moi qui ait commencé à donner le droit de vote aux Musulmans. J'aurais continué dans cette voie. J'aurais accordé des débouchés aux Algériens pour réussir l'intégration. Cela aurait duré trente ans, pas plus, mais cela aurait permis une période de transition.

Bien cordialement,
Francis.