Tout le mal que je souhaite à Brayard, c'est qu'il avance gaillardement sur la voie nouvelle qu'il a ouverte; qu'il y ait dans sa vie et son oeuvre un "avant" et un "après" l'apparition supéfiante, dans son analyse, et qui plus est dans le titre d'un livre, de la notion de
complot nazi. Car une autre évolution est toujours possible, le retour frileux au bercail, dans une prétendue "communauté historienne" cimentée par la mise à mort d'un bouc émissaire, Edouard Husson en l'occurrence. Cf.

mais aussi

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Quant à moi, je vois chaque jour un peu plus dans la notion de
folie hitlérienne le concept qui permet de dépasser les contradictions, non pas certes en claquant des doigts mais au prix d'un énorme travail qui ne fait que commencer.
Cette folie consiste à croire que les Juifs sont vraiment des bacilles, ou des parasites végétaux, en lutte mondiale contre la Création et en passe de la détruire. C'est écrit noir sur blanc dans
Mein Kampf et, comme rappelle Nicolas, dans les discours sur lesquels l'agitateur fonde son succès, dès 1920. Folie individuelle, dis-je, c'est-à -dire que nul autre ne la partage. Il faut toujours qu'il soit là pour donner l'impulsion. Et il le fait, avant tout et constamment, au moyen d'organisations qu'il dirige en autocrate et qui croissent elles-mêmes en Allemagne à la façon du cancer juif qu'il décrit (car il y a dans tout cela beaucoup de mimétisme, et dans ses tirades contre les Juifs une belle dose d'autoportrait) : parti nazi, SA, SS, SD, RSHA.
Le meurtre des Juifs (et là -dessus Husson reste très en pointe par rapport à Brayard) a avant tout une valeur religieuse. La Providence a chargé Hitler de les détruire et d'effacer par là les traces de leur grande victoire historique, vieille de 2000 ans, c'est-à -dire le christianisme, entendu comme une morale des faibles, condamnant le meurtre.
Ce qui serait presque davantage à expliquer que le meurtre, c'est le non-meurtre des Juifs, pendant si longtemps. Il y a une explication par l'engrenage : il faut habituer petit à petit les esprits et les structures, et tout bien pesé le processus est rapide. Mais l'essentiel est ailleurs : le nazisme subordonne tout à son but militaire et territorial. C'est une machine de guerre, qui doit servir à germaniser d'immenses territoires en Europe de l'Est, mais aussi à tenir en respect trois autres grandes puissances qui seront autorisées à subsister : Grande-Bretagne, Etats-Unis et Japon. Et les deux premières, au moins, on sait bien qu'on ne les déjudaïsera pas, à vue humaine. On prévoit donc dès le départ un compromis, en vertu duquel la solution envisagée est l'émigration plus que le meurtre, et les Juifs sont plus utiles comme otages vivants que comme pile de cadavres.
Et c'est lorsque Churchill prend la barre anglaise, empêchant de tirer immédiatement les dividendes du triomphe sur la France, et surtout lorsque à Mers el-Kébir il montre de quoi il est capable en matière de non-respect de la vie humaine, que Hitler voit rouge et considère que la Providence lui commande d'être impitoyable.