Voyons, Francis, j'ai donné ailleurs ( et lié ici ) des infos capitales sur Hans Baur, chef des pilotes gravitant autour de Hitler, certaines tirées de son livre en le lisant au besoin entre les lignes, d'autres d'une archive anglaise inédite : il intoxique fin 40 l'ambassade anglaise en Bulgarie en disant qu'il en a marre de la guerre et qu'il va s'arranger dès que possible pour amener le Führer en personne sur un aérodrome britannique nommément désigné, celui de Lympne ! D'où un dossier assez marrant du ministère de l'Air, montrant qu'on a maintenu là une équipe prête à intervenir jour et nuit pour immobiliser un appareil allemand sitôt après l'atterrissage car il risquait de chercher à repartir. La surveillance n'est levée que fin mai, deux grosses semaines après le vol de Hess.
Il est, pour le coup, strictement inconcevable que Hitler n'ait pas été à l'origine de cette petite plaisanterie... qui en dit long sur le fantasme de dirigeants nazis tombant du ciel que Berlin s'efforçait de nourrir dans les esprits britanniques (cf., à la veille de Munich, le bruit d'une arrivée de Göring). Mais aussi peut-être sur le souci des Allemands de voir, par des observations aériennes (Lympne est proche de la France occupée) si en pareil cas il se passe des choses et si le poisson mord. Et également sur la duplicité de Baur, et sa capacité de se laisser embarquer dans des secrets hitlériens.
S'il y a un troisième Allemand au courant du projet de Hess, à part Hitler, c'est bien lui. La façon dont il en parle dans son livre le suggère (il lui a fourni les indispensables cartes des zones à éviter par le trafic civil, dit Rochus Misch (qui le tient du valet de Hess), et Baur prétend que Hess s'est adressé directement à la Luftwaffe). Alors, comme témoin censé authentifier après coup la fable d'une disgrâce de Hess avant son vol, dont aucune trace contemporaine n'a jamais été produite, il est des moins fiables !
Quant aux relations Hess-Göring, elle semblent avoir été des moins conflictuelles et leur numérotation, claire : G était bien le n° 2 du régime et Hess le 3, y compris dans l'ordre de succession, proclamé en 1934 et solennellement confirmé le jour de la déclaration de guerre. Hess portait PAR AILLEURS le titre de "remplaçant" (Stellvertreter) du Führer, ce qui signifiait qu'il avait la signature et pouvait représenter le dictateur -un point non négligeable dans sa tentative de dresser le roi d'Angleterre contre son premier ministre et de lui proposer la paix. |