Sur les problématiques posées par Rezun/Suvorov - Le Brise Glace - forum "Livres de guerre"
Pour profiter de
tous les avantages
de ces pages, vous
devez accepter
les cookies



Forum
des livres, revues, sites, DVD, Cd-rom, ... , sur la 2e Guerre Mondiale, de 1870 à 1970
 
 Le débat sur ce livre
 
 L'accueil
 Le menu
 Le forum
 Les livres
 Ajouter un livre, ...
 Rechercher
 Où trouver les livres ?
 Le Glossaire
 Les points
 Les pages LdG
 L'équipe
 Les objectifs
 La charte
 Droit de réponse
 L'aide
 
 
 

 


La description du livre

Le Brise Glace / Victor Suvorov

En réponse à
-1molo les basses... de MOSCA

Sur les problématiques posées par Rezun/Suvorov de Nicolas Bernard le mercredi 26 janvier 2011 à 18h19

Jean Lopez et Rezun/Suvorov ne peuvent certainement pas être mis sur le même plan. Le premier adopte une démarche historienne, honnête et s'efforçant d'être rigoureuse. Le second s'inscrit dans une posture propagandiste, manipulant ses sources pour étayer une thèse manifestement frauduleuse et politiquement orientée. En d'autres termes : si des erreurs peuvent être reprochées à Jean Lopez (et en admettant que ces griefs soient fondés) il les aura commises de bonne foi, personne ne pouvant à ce titre lui jeter la pierre, tandis que les "erreurs" de Suvorov sont le produit de sa malhonnêteté intellectuelle. Plus synthétique encore : l'un se trompe, l'autre trompe.

Bref, ce que je reproche à Rezun/Suvorov, c'est moins son incompétence que la mentalité d'escroc qu'elle révèle. Je peux vous citer des cas de citations sciemment tronquées par lui pour en déformer le sens. Or, une telle accusation - qui tient pour moi du verdict s'agissant de Rezun - ne saurait viser Jean Lopez, quels que soient les reproches que vous puissiez émettre par ailleurs, quels que soient les points de désaccord que je rencontre avec certaines de ses affirmations.

Quant aux problématiques soulevées par les "travaux" de Rezun/Suvorov, elles n'ont rien d'obscur. Un historien tel que John Erickson, dans son livre paru dans les années soixante, constamment réédité depuis, The Soviet high command. A military-political history. 1918-1941, avait déjà fourni un très appréciable cadre d'analyse, complété voire renouvelé par les travaux plus récents de Lennart Samuelson, N.S. Simonov, Jacques Sapir, Sally Stoecker, David R. Stone, etc. En toute hypothèse, il faut tenir compte de l'histoire des années trente en Union soviétique pour comprendre que les allégations de Rezun/Suvorov relèvent de la foutaise :

1) La doctrine militaire de l'Armée rouge impliquait la réalisation de contre-offensives en cas d'invasion, organisées selon le modèle de l'opération en profondeur, à partir de la couverture offerte par la "Ligne Staline". D'où l'accent mis sur la mécanisation des troupes, en vue de faciliter la percée aussi bien que l'exploitation. Mais si les quantités produites ont été très importantes, la formation des équipages n'a pas suivi, ou trop peu. L'équipement radio est resté lourdement problématique.

2) La nature même du territoire soviétique a, en outre, pesé sur les choix des décideurs militaires et politiques. Le développement des chars légers B.T. à double motion reposait sur les graves lacunes du réseau ferroviaire soviétique (lequel s'est considérablement amélioré dans la décennie), obligeant l'armée à miser, dans cette attente, sur des déplacements massifs d'unités par des moyens autres que le rail. Il est utile de préciser que les Suédois ont obéi, à la même époque, à un calcul identique, au regard de l'insuffisante densité ferroviaire dans leur propre pays. Il me paraît donc particulièrement inexact de prétendre, à l'instar de Rezun/Suvorov, que de tels blindés ne pouvaient être utilisés en Russie, puisque c'est précisément dans ce but qu'ils avaient été conçus ! Pas la peine d'exagérer non plus la mauvaise qualité des routes, qui n'étaient pas propres à empêcher tout mouvement des blindés...

3) La production massive d'équipements de tous types de modèles de chars, en particulier les chars légers, à partir de 1931, répondait ainsi à une logique doctrinale, mais découlait également d'impératifs diplomatiques. Face aux menaces issues de l'Extrême-Orient (annexion de la Mandchourie en 1931 par le Japon) et pour se prémunir de toute agression venue de l'Ouest (notamment de la Pologne, qui avait réussi à déferler sur l'Ukraine en 1920), il était nécessaire de posséder une armée forte et nombreuse, ayant les moyens de défendre un vaste territoire, toujours dans l'optique de l'opération en profondeur. Pas question, en ce sens, de se contenter de pactes bilatéraux ou, à partir de 1933, de la sécurité collective, même si cette diplomatie complétait la recherche soviétique de sa propre sécurité.

4) D'autres impératifs sont également intervenus, liés à l'économie de l'U.R.S.S. Au cours d'exercices effectués dès 1930, il avait été constaté que les usines soviétiques, qui rencontraient déjà de considérables difficultés à respecter les exigences du Plan quinquennal, n'étaient guère capables de passer d'une production de type civil à un régime spécifiquement militaire, dans le cadre d'une économie de guerre. Pour pallier ce dysfonctionnement, il a donc fallu maintenir une importante - et croissante - production militaire, autrement dit mettre en place une économie de guerre en temps de paix.

5) Cependant, ce choix économique lui-même n'a pas été sans générer des difficultés. Tout d'abord, il a abouti à rogner sur les biens de consommation, alimentant le mécontentement général. Surtout, la production massive d'armements a offert à l'Armée rouge un impressionnant parc de véhicules... assez vite devenu obsolètes ! Les frais d'entretien de ces équipements ont lourdement grevé le budget dévolu aux questions militaires, retardant ainsi l'investissement dans la conception et surtout la production de nouveaux modèles.

6) La Grande Terreur, en conduisant à l'élimination, définitive ou provisoire, d'ingénieurs talentueux, a aggravé ce retard. Les purges visant les officiers capables de théoriser et mettre en pratique l'art opérationnel soviétique ont remis en cause cette doctrine - en attendant la décision fatidique de Staline, en 1939, ordonnant la dispersion des unités blindées, compte tenu des interprétations des observateurs soviétiques affectés en Espagne... Lorsque le régime soviétique reviendra sur cette réforme, tenant compte des succès militaires de la Wehrmacht, il sera trop tard.

Les éléments que vous mentionnez illustrent à la perfection les différentes données ci-dessus énumérées.

L'exemple du bombardier stratégique T.B.7 (futur Pe 8) est particulièrement emblématique. Son développement a été entravé par l'arrestation de ses concepteurs, puis a fait l'objet de directives contradictoires, sachant qu'il était considéré comme trop coûteux au regard des nécessités de l'heure (entretien de l'équipement existant, fabrication de nouveaux modèles davantage adaptés à des actions tactiques).

Ces mêmes facteurs de contrainte ont été un puissant obstacle à l'émergence de l'arme aéroportée en U.R.S.S., puisqu'en 1941 non seulement les avions faisaient défaut, mais aussi les équipements portatifs, les officiers, et les instructeurs - ainsi, en conséquence, que le personnel expérimenté.

Quant au "démantèlement" de la "Ligne Staline", il faut en relativiser et l'ampleur et la portée. En 1939, ce réseau de fortifications soviétiques est loin, très loin même, d'être complet, lorsque la décision est prise d'ériger une nouvelle ligne, couramment baptisée "Molotov", pour tenir compte de l'avancée vers l'Ouest des frontières de l'U.R.S.S. Si l'effort est mis sur ce nouveau réseau, qui bénéficie d'un transfert d'armement déjà intégré à la "Ligne Staline", les éléments fortifiés de cette dernière ne sont pas détruits, bien au contraire, et les travaux n'y sont pas pour autant définitivement interrompus, un nouvel effort étant même relancé en 1941 - trop tard. Politique erratique, ambitions démesurées, désorganisations intrinsèques au système soviétique expliquent l'impréparation des fortifications russes lors de l'agression allemande.

Pas la peine de voir dans ces choix et ces ratages des preuves d'un "grand dessein" stalinien. Ils résultent surtout d'une définition parfois équivoque, hésitante, à courte vue, des objectifs, et dont l'exécution restait à la merci des dysfonctionnements endémiques de l'industrie et des infrastructures, malgré les progrès réalisés. Ces dysfonctionnements ont à leur tour joué un rôle dans les décisions prises ultérieurement, les Grandes Purges ayant achevé de déséquilibrer ce système.

*** / ***

lue 3319 fois et validée par LDG
 
décrypter

 



Pour contacter les modérateurs : cliquez !

 bidouillé par Jacques Ghémard le 1 1 1970  Hébergé par PHP-Net PHP-Net  Temps entre début et fin du script : 0.01 s  5 requêtes