Bonsoir.
Je me rends compte en découvrant la personnalité multiple du chef de "Combat" combien j'avais été, moi aussi, fortement influencé par des chercheurs pourtant sérieux (Cordier, Péan, etc:) et leur perception souvent très réductrice de cet homme singulier que la guerre a révélé, d'abord à lui-même et à ses proches, puis au pays tout entier et à De Gaulle, puisqu'il est devenu incontournable en deux années de lutte clandestine.
J'avais tendance à considérer Frenay comme un militaire sans réelle dimension politique à qui un De Gaulle un peu condescendant confia un ministère secondaire dans le GPRF d'Alger (celui qui avait en charge les déporté et prisonniers de guerre).
En gros, je le voyais un peu "jugulaire-jugulaire" tout en ayant réussi à se faire un nom dans le Résistance à force de compromis et par une pression incessante sur les autres chefs des mouvements... un diviseur aussi; et j'étais persuadé qu'il avait défendu en coulisse les tentatives des giraudistes de coiffer la Résistance... !! Alors que ce fut l'inverse ! J'étais influencé par la vision "moulino-gaullienne"en ce qui concerne l'affaire suisse et les liens passés par "Combat" avec l'OSS afin d'obtenir les moyens financiers que Londres lui avait en partie retirés , par exemple.
Heureusement que Belot a sorti son bouquin qui nous permet de découvrir un chef de mouvement longtemps isolé - car ils ne furent pas nombreux entre septembre 1940 et juin 1941 à tenter de bouger les énergies dans la France moralement cassée par la défaite, l'Occupation et l'instauration du régime de Vichy. Belot nous dit surtout que Frenay avait un VRAI pouvoir basé sur une FORTE LEGITIMITE auprès des cadres et des militants des trois mouvements qui formeront les MUR. De Gaulle et Moulin avaient très bien perçu cette notoriété: Frenay aurait certainement pu bloquer le processus général et créer les conditions insurrectionnelles un peu avant la Libération... Ce n'est pas pour rien que le Connétable lui ordonna de rester dans le GPRF auprès de lui à Alger ... Il craignait réellement l'influence du patron de "Combat".
En revanche, le Frenay des années 70 dans son acharnement monomaniaque visant à démontrer que Jean Moulin avait été un sous-marin communiste est étonnant et décevant, ça je l'admets sans peine.
J'ai hâte de lire le point de vue de Belot sur cette période de la vie de Frenay... (Le biographe semble lui aussi plutôt perturbé par l'obsession des dernières années de la vie de ce grand résistant qui fut également un chef politique neutralisé par les gaullistes.)
Cordialement,
René Claude |