L'incendie de Saint-Gingolph, 1944 - Julius Schwarz, l'âme et le coeur de la Brigade de montagne 10 - forum "Livres de guerre"
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Edition du 07 août 2008 à 13h19

Julius Schwarz, l'âme et le coeur de la Brigade de montagne 10 / Micha Grin

 

L'incendie de Saint-Gingolph, 1944 de Christian Favre le jeudi 07 août 2008 à 09h37

Avec l'autorisation de l'éditeur Cabédita voici le chapitre concernant le tragique incendie de Saint-Gingolph.

SAINT-GINGOLPH

Attaque du maquis, 1944

C'est dans ce chaos que se situe un épisode de la guerre où le colonel-brigadier montra ses qualités de courage, de promptitude et d'humanité.
L'affaire se situe à Saint-Gingolph (partie française, la frontière traverse le village). Après quatre ans d'occupation, la population de la cité parcourt pour la première fois les rues en un cortège, drapeau tricolore en tête, au son de La Marseillaise. On fête ainsi le 14 juillet dans la liesse, certains de la défaite allemande. Que peuvent représenter encore cette trentaine de douaniers ennemis, alors que les Alliés investissent partout le pays!
Huit jours plus tard, le samedi 22 juillet, le drame éclate. Un vingtaine de maquisards, partis de Novel, parfaitement organisés, tentent le coup de main sur ces douaniers en garnison à la frontière franco-suisse.
Aussitôt la cp 1/201 installe des barrages sur la route. Un habitant a raconté au reporter de la Feuille d'Avis (aujourd'hui 24 Heures) les événements dont il fut témoin: «Tout à coup, on entendit des cris. Des grenades éclataient ça et là. Des rafales de mitraillettes et des coups de feu retentirent. Des hommes. des femmes, des vieux, des enfants se replient du côté de la frontière. Le village est attaqué par les hommes du maquis.»
A ce point, les témoignages divergent, mais tous notent que dans le village, composé essentiellement d'une grande rue et d'une autre parallèle au lac, réunies par des transversales, autour desquelles s'alignent les maisons, c'étaient la peur et la confusion.
Dans nos notes, nous avons retrouvé le témoignage encore haletant d'une femme surprise par l'attaque. «On ignorait comment les Allemands réagissaient, mais on entendait les coups de feu et l'odeur âcre de la poudre. J'en ai vu retranchés derrière le port, tandis que des maquisards s'avançaient, se cachant de maison en maison et tiraient. Le spectacle le plus pénible était de voir la foule des gens se précipiter vers la frontière suisse que vous nous aviez ouverte largement. Au moins, il y avait de l'organisation, des soldats. Quelque chose de tragi-comique dont je me souviens: ma fillette avait confondu les Allemands avec vos soldats à cause du casque, de la couleur de l'uniforme et des bottes que portaient les officiers et je crois même des soldats - ou des guêtres de cuir! Dans l'affolement général, elle resta plantée là, jusqu'au moment où je l'ai tirée par le bras et emmenée chez vous ! C'est à ce moment que j'ai entendu sonner trois heures: ce fut ensuite le silence que perçaient quelques coups de fusil isolés. Je crois que les hommes du maquis s'étaient retirés. Plus tard on apprit que sept Allemands avaient été tués dans la lutte, mais hélas, aussi un homme pris sous le feu, ainsi qu'un maquisard. Mais la suite fut terrible et c'est à votre maire et à votre brigadier que nous dûmes d'échapper à une plus tragique catastrophe.» En effet, les événements se précipitèrent.

Intervention du colonel-brigadier

Dimanche matin, 23 juillet, les renforts allemands arrivent en camions et side-cars. Saint-Gingolph est même cerné par le lac. Ils fouillent systématiquement les maisons, enfoncent les portes à coups de crosse, rassemblent tous les objets de valeur qu'ils emporteront plus tard. La plupart des maisons sont ,vides, mais ils mettent la main sur huit habitants dont le curé, qu'ils enferment dans le poste de douane français. A 14 heures, le pire qu'on redoutait se produit: les SS dirigent rageusement leurs lance-flammes sur les granges de la partie supérieure du village. Et, tandis que l'incendie se communique aux maisons voisines, des soldats emmènent les otages. De brefs coups de feu: quatre otages sont abattus. Suivront deux autres dont le curé Roussillon; on découvrira son corps, criblé de balles, sur un talus.
Alors que l'incendie fait rage, André Chaperon, président de Saint-Gingolph suisse, passe sur France pour ramener les personnes égarées, des femmes, des vieillards et des enfants.
Vainement, il essaie de parlementer avec les chefs des SS dont le PC est situé à l'Hôtel Beau-Rivage. Pendant ce temps les flammes continuent à dévorer les maisons du village.
«C'est à ce moment, raconte un témoin de l'époque, que le brigadier Schwarz est directement intervenu. Couvert par une mitrailleuse, il s'est adressé en allemand au commandant des SS qui se tenait sur le pont. Il lui fit observer que l'église menacée d'incendie, avec les femmes et les enfants dedans, appartenait à la paroisse entière de Saint-Gingolph, c'est-à-dire aux habitants des deux villages frontaliers français et suisse, et qu'au cas où les Allemands s'en prendraient à elle, il la défendrait manu militari. C'est à lui que l'église doit de n'avoir pas brûlé avec le reste en-dessous de la voie de chemin de fer et de la route. »
Comme le brigadier craint que l'incendie ne se propage en Suisse, il commande douze camions militaires pour une éventuelle évacuation de la population.
L'incendie a pris des proportions immenses. Le vent qu souffle aide encore à l'étendre à travers rues et ruelles jusqu'au lac. De la rive suisse, on voit tourbillonner d'énormes nuages issus de ce brasier, qui s'élèvent dans le ciel couleur de plomb. Les spectateurs du drame se taisent. On murmure: «Saint-Gingolph brûle... ». Quel est le sort des parents demeurant là-bas

Le geste de Hartmann

On apprendra qu'aussitôt les pompiers des environs: de Villeneuve, Aigle, Monthey, Bouveret ont rejoint leurs collègues en toute hâte. Des points cruciaux, ils mettent leurs lances en batterie. Ils ne peuvent faire plus: l'incendie est un fait de guerre, ils sont donc tenus à la neutralité. Mais, au moins, perchés sur le toit de la douane suisse, ils arrosent le plus possible le sol français gagné de plus en plus par les flammes dévastatrices.
C'est à ce moment qu'un soldat allemand, malgré les ordres, prend l'initiative de traverser la frontière, de s'emparer d'une lance, et, de retour sur le sol occupé, d'arroser l'église menacée. Plus tard, lors du procès qu'ouvrira la Cour de Lyon, ce soldat, Hartmann, sera acquitté. Le procès du reste, ne débouchera que sur une condamnation: le dénommé Kollibary, chef de poste frontière allemand d'Annemasse écopera de dix ans de travaux forcés pour complicité dans l'incendie de Saint-Gingolph. Les autres demeureront introuvables. Les SS se seront volatilisés comme ce 27 juillet laissant derrière eux plus de 80 maisons détruites, des morts et ¬des blessés. La Suisse donnera asile à 313 Français leur évitant un sort inconnu ou la déportation comme ce fut le cas pour trois d'entre eux qui ne revinrent jamais des camps.


Reconnaissance de la France

Il est peut-être plus difficile, à distance, de juger de l'impact du geste courageux de Julius Schwarz. Mais pour les Français, pour ceux qui vécurent cette tragédie, le brigadier eut droit au titre de «protecteur de Saint-Gingolph». Aucun des journaux, encore meurtris, sortis de la clandestinité, ne manquera, lors des cérémonies si émouvantes marquant un tait de Résistance, de rendre hommage au colonel-brigadier. Pour n'en point allonger la liste, nous n'en citerons que deux des plus importants. On se rendra compte par l'énumération des personnalités présentes, tant suisses qu'étrangères, en quelle haute estime était tenu le commandant de la brigade de montagne 10.
De La Voix de la Résistance, mensuel officiel de toute la Résistance, publié à Paris, nous tirons ce premier extrait: «A l'occasion de la Fête nationale du 14 juillet, M. Michel Blot, consul général de France à Lausanne, a rendu hommage au nom du gouvernement français, au colonel-brigadier J. Schwarz, ancien commandant de la brigade montagne 10.
»De nombreuses personnalités françaises et suisses assistaient à cette cérémonie, dans la rotonde du casino de Montbenon. En plus de la colonie française, on remarquait les consuls de Lausanne, les représentants du gouvernement vaudois, 1e général Guisan, commandant en chef de l'armée suisse 1939¬1945, etc.
»Le dimanche 23 juillet 1944, alors que 1a fusillade crépitait, que Saint-Gingolph était livrée aux flammes par les SS, le colonel-brigadier Schwarz se présenta, de sa propre initiative, aux avant-postes allemands et d'une voix impérieuse, en pur allemand, intima l'ordre de cesser la fusillade et d'arrêter les incendies; il fut écouté.
»De par son attitude ferme et courageuse, le colonel-brigadier Schwarz a sauvé des vies humaines et préservé Saint-Gingolph de son anéantissement complet. Ce jour-là, 313 personnes ont passé sur territoire suisse.
»En lui témoignant officiellement sa reconnaissance le gouvernement français a voulu exprimer sa gratitude, à ce chef militaire si valeureux et au caractère si généreux.»
Le Progrès naissant, qui deviendra l'important quotidien que nous connaissons, consacre un long article à Saint-¬Gingolph à l'occasion de sa reconstruction. On v mentionne «la vigoureuse et généreuse intervention du colonel-divisionnaire Schwarz», au premier rang sur les photos. «Sous le signe du souvenir, de l'espoir et de la reconnaissance, titre le journal, Saint-Gingolph a fêté dimanche reconstruction». Et l'article suit: «Plus rien aujourd'hui dans cette riante cité, traversée de l'éclat des fanfares ne rappelle l'horrible drame du 24 juillet 1944. Pourtant, malgré l'allégresse, il ressurgit à chaque pas, il revit aussi dans bien les coeurs. Tragique bilan: huit morts, trois déportés qui ne sont jamais revenus, 80 maisons incendiées. Non, plus rien ne rapelle ces heures épouvantables, plus rien ou presque. aujourd'hui Saint-Gingolph fête sa reconstruction, si des foyers nouveaux ont surgi des ruines calcinées, il y aura ces foyers des places qui resteront à,jamais vides. Huit croix devant lesquelles en cette journée on est venu - une fois de plus - se recueillir et prier en apportent le douloureux témoignage. Et c'est bien ce double visage que présentait dimanche la cité en fête: l'un tourné vers le passé, recueilli dans le souvenir de ses héros, l'autre tout rayonnant de ses maisons neuves et fleuries, tourné plein d'espoir et de fierté vers l'avenir, vers la vie qui renaissait.
»M. Claudius Petit, ministre de la Reconstruction, accompagné de M. Canet, préfet de la Haute-Savoie et entouré de principales notabilités du département avait tenu à présider les cérémonies. Mais, comme il y a sept ans, la Suisse est là, elle aussi. Les drapeaux de la Confédération flottent aux c6tés des drapeaux tricolores: ce n'est pas ici simple marque de courtoisie; ces drapeaux symbolisent une amitié solide, qui a subi l'épreuve de l'adversité. Les habitants de Saint-Gingolph n'oublient pas, en effet, la vigoureuse et généreuse intervention du colonel divisionnaire Schwarz auprès des occupants, intervention qui permit de limiter les dégâts et de mettre fin à l'horrible massacre. Ils n'oublient pas l'hospitalité fraternelle qu'en ces heures tragiques ils ont trouvée de l'autre côté de la frontière.
»Comme il y a sept ans, le colonel Schwarz est au milieu de ses amis français entouré de diverses personnalités helvétiques
dont MM. de Courten, représentant le canton du Valais. Blanc, préfet de Lausanne, etc. C'est aussi la fête de la reconnaissance.
»M. Claudius Petit qui était arrivé vers 11 heures à la petite station frontière, tandis que la fanfare du 27è BCA jouait La Marseillaise, gagna d'abord la mairie, où il signa le livre d'or. Puis, accompagné des personnalités présentes, il se rendit au Monument des Fusillés où au cours d'une brève et émouvante cérémonie, le Ministre et le colonel Schwarz déposèrent une gerbe. Ce fut ensuite la visite du quartier incendié. aujourd'hui presque entièrement reconstruit. Les sinistrés d'hier sont à leur balcon, émus: le Ministre a un mot aimable pour chacun.
»A l'issue du banquet officiel servi à l'Hôtel Beau-Rivage, le cortège se reforma, entraîné par la fanfare du 27è BCA et par la musique des Enfants des Deux Républiques: trois charmantes demoiselles d'honneur, costumées l'une en Savovarde. l'autre en Valaisanne, la troisième en Vaudoise, précèdent les officiels. A l'entrée du quartier reconstruit, le Ministre coupe le ruban symbolique. Puis, face au Monument aux Morts des deux guerres que fleurissent le maire de Saint-Gingolph ainsi que les représentants des cantons de Vaud et du Valais les personnalités présentes vont dégager le sens et les leçons
de cette grande journée. Prennent la parole, tour à tour: MM Zenoni, maire de Saint-Gingolph, et Gaston Cusin, au nom de la Résistance; M. Martel, député, président du Conseil général; de Courten et Blanc, respectivement au nom de l'Etat du Valais et du Gouvernement vaudois

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