Page 171 et 172, mais c'est un roman

Les Moati, chaque nuit, changent d'appartement. Mais bientôt, Serge est contraint de quitter les siens afin de ne pas leur faire courir de trop grands risques.
Il se cache, comme il peut. Dans une ville sillonnée par les patrouilles allemandes et les hommes de Guilbaud, il s'attend à être arrêté à tout moment. Chaque heure qui passe est gagnée. Sur le front militaire, hélas, rien ne bouge. Etrange immobilité des Alliés. Stratégie sophistiquée à l'extrême. Alger est devenue une sorte de capitale nord-africaine des embrouilles. Tunis reste seule sous la botte allemande. Les franco-nazis y expérimentent ce qu'il faudrait, selon eux, réaliser en France : l'union de tous les militants et partis favorables à une authentique Révolution nationale.
Radio-Tunis brille des mille feux d'une collaboration qui se veut attirante. Musique religieuse à hautes doses pour plaire à Esteva et s'attirer une foultitude de grâces. Et musique symphonique généreusement dispensée par le Grand orchestre maison, qu'il faut bien occuper. Les informations sont bien tenues, on s'en doute. Elles sont «mondiales», c'est-à-dire allemandes. Ou « nationales », c'est-à-dire mitonnées par Guilbaud et ses sbires. Il y a aussi des chansonniers parce que le Français, on le sait, aime rire. Christian Vebel, Géo Montax, Mireille Midy et Mona Gildes nous donnent vraiment beaucoup de plaisir. Ils ont cet esprit gaulois qui sait donner éclat et brio à ces tristes jours. Rina Ketty, la vedette de renommée mondiale, prête son concours et son talent à la station qui saura se montrer reconnaissante en fournissant à la demi-star vieillissante de beaux et jeunes arabes peu farouches. Enfin, pour les choses sérieuses, Georges Guilbaud lui-même intervient plusieurs fois par semaine. Intarissable. Il donne aussi la parole aux amis sûrs. Ceux de la Légion des Combattants, du SOL, du PPF de Doriot et du Service de la jeunesse feront entendre, grâce à Georges, leurs voix bien françaises. C'est fort et ça fait réfléchir. Toute action a besoin de pensées.