Le poids des mentalités nationales - La Violence de guerre : 1914-1945 - forum "Livres de guerre"
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La Violence de guerre : 1914-1945 / Collectif

En réponse à -9 -8 -7 -6 -5 -4 -3 -2
-1Vieux débat : le goulag en puissance chez Marx ? de René CLAUDE

Le poids des mentalités nationales de Nicolas Bernard le dimanche 14 octobre 2007 à 00h52

Il n'est pas niable que Lénine a développé une idéologie marxiste basée sur la violence et une conception très particulière du Prolétariat. Nicolas Werth, ce dans le récent numéro de la revue L'Histoire, a bien montré à quel point la vision marxiste de Lénine était marquée par sa mentalité russe.

Il suffit d'ailleurs de lire Lénine pour s'en apercevoir (voir son fameux L'Etat et la Révolution, publié en ligne par ses épigones), et constater que son idéologie découle de sa nationalité : c'est parce que la Russie est encore sous-développée et parce que le prolétariat russe n'a pas totalement développé sa conscience de classe (outre qu'il est minoritaire au sein d'une nation majoritairement paysanne, donc supersticieuse, donc soumise au clergé, donc dangereuse) que Lénine recourt à une stratégie de prise du pouvoir menée par un groupe d'hommes qui incarnent cette conscience de classe, à savoir le Parti. C'est d'ailleurs au nom de cette logique qu'est mené le coup d'Etat du 7 novembre 1917 à Petrograd, et que le Parlement russe est dissous, car seul le mouvement bolchevik, donc un groupe de révolutionnaires, est capable d'assurer à la Russie l'avenir radieux. Le Parti est porteur d'une idéologie messianique, car selon Lénine il est détenteur de la vérité.

C'était interpréter Marx de manière plutôt poussée, ce d'autant plus qu'à l'inverse de son élève russe l'intellectuel allemand désapprouvait la violence terroriste - il assimilait même la Terreur de 1793 à une dérive de "petit-bourgeois". Mais si son oeuvre - inachevée, faut-il le rappeler, donc très délicate d'interprétation - aboutit à une théorie de disparition de l'Etat pour cause de révolution prolétarienne, elle n'en demeure pas moins lacunaire dans ses aspects pratiques. Par ailleurs, Leszek Kolakowski a pu démontrer que cette théorie marxiste pouvait aboutir à un despotisme d'Etat, pour cette simple et bonne raison que seule la contrainte est de nature à faire disparaître l'Etat, paradoxe dangereux s'il en est - voir Jacques Dewitte, "Du Paradis rêvé de l'humanité réconciliée à l'Enfer du socialisme réel. Sur la filiation Marx-Lénine-Staline selon Leszek Kowalkowski", in Stéphane Courtois (dir.), Les logiques totalitaires en Europe, Editions du Rocher, 2006, p. 126-158.

En ce sens, Lénine tentait de combler les vides laissés par Marx dans l'élaboration de ses théories, et c'est pourquoi la pensée léniniste reste essentiellement orientée vers les moyens d'action. D'où cette "pauvreté conceptuelle du léninisme de Lénine, et encore plus de celui de Staline, au regard de la grande entreprise antthropologique et sociologique qu'a été le marxisme de Marx", pouvait signaler le spécialiste de l'idéologie léniniste Dominique Colas ("Lénine a-t-il trahi Marx ?", L'Histoire n° 223, juillet-août 1998, p. 22-23). Dominique Colas précisait avec justesse que le léninisme "a en commun avec le marxisme de Marx la thèse du caractère nécessaire de la guerre entre les classes. Egalement le rejet absolu de la valeur de la démocratie représentative et des droits de l'homme traités en illusions mystificatrices" (ibid.). Bref, Lénine ne contredit pas la pensée marxienne, parce que cette dernière, non achevée, donnait toute latitude quant à sa mise en oeuvre... Autrement dit : Lénine complète Marx, mais Marx aurait-il approuvé ? On rappellera en effet que Lénine n'était qu'un exégète parmi beaucoup d'autres, et que l'oeuvre marxienne a fait l'objet d'intenses débats avant, pendant et après la prise du pouvoir de 1917, les bolcheviks n'étant qu'une minorité parmi les socialistes. Le concept de "dictature du Parti" - que défendit le "bon" Trotsky - fut ainsi très contesté par Rosa Luxemburg et Léon Blum, pour ne citer qu'eux.

Il est vrai que Lénine reprenait à son compte certains éléments touchant à sa mentalité russe, et insistait à ce titre sur les concept de violence, de terreur et de guerre civile. En ce qui le concerne, cette dernière était consubstantielle à la Révolution, elle autoriserait même la terreur et la liquidation des oppositions, et c'est pourquoi il la déclenchera dès sa très illégale prise du pouvoir en 1917 - voir Stéphane Courtois, "Lénine et l’invention du totalitarisme", Les logiques totalitaires en Europe, op. cit., p. 180-205. Parce que Lénine nie au Prolétariat russe une maturité conséquente, il s'en fait le porte-parole, affirmant que la dictature du Prolétariat doit d'abord être la dictature d'un Parti unique, les bolcheviks. On sait qu'une telle vision était lourde de dangers pour l'avenir, et que Staline saura s'en prévaloir par la suite pour instaurer un régime cette fois exclusivement personnel en dépit d'une indéniable parenté avec l'oeuvre de Karl Marx.

Staline, en ce sens, est bien davantage le digne rejeton de Lénine (au demeurant très déséquilibré d'un point de vue psychologique) que le petit-fils de Marx. Faisant preuve d'une réelle habileté tactique, il parviendra à prendre le contrôle du Parti, qui détenait le pouvoir en Russie en application de l'idéologie léniniste, et instaurera une dictature démentielle, qui ne présentera aucune espèce de rapport avec les concepts dégagés par cet intellectuel, sinon par des mots vidés de leur sens.

En conséquence, il ne faut pas négliger le poids des mentalités nationales, lequel joue un rôle certain dans l'appréhension de l'idéologie marxiste par certains despotes qui s'en réclament. Le cas de Pol Pot est emblématique à cet égard : ainsi que le démontre Philip Short dans sa récente biographie du tyran cambodgien parue chez Denoël, ce dernier ne possédait pas une immense culture marxiste, ses lectures n'étant pas allées aussi loin que... les écrits de Staline. La mentalité de Pol avait été forgée par une éducation ecclectique, mêlant bouddhisme, culture de Guerre Froide, préceptes maoïstes, mentalité stalinienne et réalités locales. Si la sanglante et sordide expérience khmère rouge a été revendiquée comme une mise en pratique d'un communisme agraire, elle n'en reste pas moins davantage la résultante de ce que la mentalité cambodgienne pouvait produire de pire.

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