Bonsoir,
Chacun connaît ma prédilection pour les portraits, toujours savoureux, du général Giraud. Je ne résiste donc pas à vous proposer celui brossé par Jean Monnet.
Jean Monnet, invité par Roosevelt pour seconder le général Giraud, quitte les Etats-Unis le 23 février 1943. Après de longs détours, il débarque à Alger le 27 février. Sa première visite sera pour le général Giraud qu'il ne connaissait pas.
*** (...) je savais à l'avance tout ce qu'on pouvait savoir de lui, et qui tenait en quelques mots ; un homme de grande allure, au regard clair et vide, conscient de son prestige d'officier héroïque, intraitable sur les problèmes militaires, hésitant sur tous les autres. ***
En bon diplomate, Monnet poursuit :
*** Je ne porterai pas de jugement sur son intelligence qui était celle d'un général formé longtemps aux affaires du désert et enclin à la simplification. Il avait montré sa force d'âme en s'évadant au cours des deux guerres pour continuer à combattre l'ennemi. Il ne pensait qu'à reconstituer son armée défaite, sans en changer la structure ni l'esprit. ***
Monnet poursuit en donnant la parole - comble d'une férocité mâtiné de bienveillance - à Giraud lui-même :
*** Pour le reste, il s'est lui-même décrit avec une sincérité touchante : "Sur le plan politique, j'ai été d'une incompétence, d'une maladresse et d'une faiblesse inconcevables. Chacun son métier, les vaches seront bien gardées" ***
Et Monnet de cerner le caractère du général Giraud en laissant entrevoir la manière dont il le conseillerait :
*** Ce défaut de confiance en soi pour tout ce qui était extérieur au domaine de l'armée le rendait ouvert aux influences en dépit de son caractère obstiné. Je compris aussitôt ce qu'il fallait respecter dans son obstination et ce que l'on pouvait diriger dans ses hésitations. ***
Bien cordialement,
Francis. |