Les origines du Corps Francs et du Special detachement :
Interview de Romain Durand, par la Revue de la France libre : (Extrait)
Q : Avez-vous élucidé la question des origines du CFA ?
R : Pratiquement, une partie des résistants qui avaient su fortement contribué au succès du débarquement du 8 novembre 1942 s'étaient regroupés en vue de combattre aux côté des alliés. L'aspirant Bernard Pauphilet (qui avait « gardé » l'amiral Darlan et le général juin pendant la nuit du 8 novembre) ouvre un bureau de recrutement au 7, rue Charras et un ami d'Henri d'Astier met à sa disposition une ferme à Cap-Matifou. Les premiers volontaires – dont certains étaient issus des réseaux travaillant en liaison avec les Britanniques avant même le débarquement – constituent le « Special Detachment » qui par pour le front dès le 16 novembre.
Mais les volontaires continuent de se présenter rue Charras. Pauphilet entre alors en contacte avec le général de Monsabert, qui est sans commandant du fait de sa participation au débarquement. Il lui demande s'il n'est pas possible de constituer un commando administré par l'armée française avec les nouveaux candidats.
Au même moment, l'armée d'Afrique s »organise pour la campagne de Tunisie et elle ne souhaite pas incorporer les volontaires non mobilisables ou indésirables à ses yeux : gaullistes, activistes, israélites, étrangers, hommes âgés ou non instruits militairement, etc..C'est dans ce contexte que la directive n°2 du commandement en chef crée le 25 novembre, un Corps Franc d'Afrique autonome, qui sera employé hors de la zone attribuée au XIXe Corps Français
Dans le même numéro de cette revue du 3e trimestre 1996, Michel Robert-Garrouel, président des « Compagnons du Special Detachment », évoque cette unité méconnue :
Pour préparer l'opération Torch, des spécialistes de la guerre subversives oeuvraient en AFN. Il s'agissait du Lt-Cl Anstruther et du Major Watt Torrance. « Leur objectif est de coopérer sur place avec les éléments sympathisants susceptibles d'apporter leurs concours aux troupes en campagne ». il leur incombe d'élaborer les plans des missions spéciales pour l'exécution des opérations prévues par le commandement.
Le contact est facilement établi entre les Alliés et le noyau de résistants français qui vient de coopérer avec eux, grâce en particulier au concours actif du vice-consul des États-Unis Springs.
Le groupe des résistants français d'une part, celui des officiers anglais de l'autre, renforcé par du personnel de transmission, forment sur place la base de cette organisation de spécialistes de la guerre subversives connue sous le nom de « Special Detachment » (SD) ou « Mission Brandon ».
La « Mission Brandon » était un réseau de renseignement britannique opérant en AFN avant le 8 novembre 1942, dirigé en Algérie par le colonel Helwel. Le « Special Detachment » qui s'inscrit dans la continuité de son action en conserve le nom.
Dès le 12 novembre, des armes, des munitions et des explosifs amenés par les deux officiers britanniques sont entreposés dans le sous-sol de la rue Charras. Le 13 novembre, un matériel identique est amené à la ferme Demangeat, au Cap-Matfou, à l'est d'Alger, constitué en camp d'entraînement
Un second groupe se forme à Gulma. Son PC est établi à la villa de l'avoué Maître Baranger. Un centre d'instruction spécial, isolé, est installé à proximité dans la montagne, à la « La Mahouna ». Le PC operationnel du Sd est fixé en Tunisie, à la mine du Djeble Hallouf, près de Souk-El6khemis.
(...)
Les missions fixées aux volontaires de « Brandon » sont à la fois multiples et spécialisées selon leurs objectifs : renseignement, sabotage, guérilla. Certains parlent l'arabe, d'autres l'italien ou l'allemand.
Ils doivent promouvoir le soutien des populations arabes, empêcher leur utilisation par l'ennemi et fournir des guides et des interprètes aux unités opérationnelles. Ils inquiètent aussi bien les arrières de l'ennemi par une simple distribution de tracts derrière leurs lignes qu'ils affrontent directement en pénétrant à l'intérieur même de celles-ci pour couper les communications et faire sauter les installations. Enfin, ils mènent d'incessantes opérations de harcellement-guérilla, soit isolement, soit dans le cadre d'opérations d'ensemble.
Selon leur mission, les membres du SD agissent seuls ou par petits groupes, soit en civil, soit habillés en indigênes, soit sous l'uniforme britannique. »
Cordialement
Laurent |