L'auteur est Jean-Pierre Ducelier et l'article fait la synthèse du volume intitulé "les secrets du bombardement de la prison d'Amiens, 18 février 1944 - Jericho." Editions Paillart dans la collection "La guerre aérienne dans le nord de la France". (756 pages!)
L'article ne comporte pas de bibliographie mais semble extrêmement bien documenté.
La première partie est la description en grand détail de l'opération elle-même: les 3 vagues d'attaque par les Mosquitos, l'escorte des Typhoon, la mort du Wing Commender Pickard (DSO) etc…
La deuxième partie (trop courte) explique la thèse de Ducelier :
1. La prison comportait 700 détenus dont 120 résistants.
2. Il n’y avait pas d’exécution prévue pour les jours à venir ni de déportation
3. C’est une opération à très grand risque et au résultat improbable (on connaît la faible capacité de précision des bombardements à cette époque)
4. L’opération a été lancé malgré une météo catastrophique alors que si le but est la libération des prisonniers il n’y a pas d’urgence
5. Au contraire de ce qu’ils ont déclaré plus tard les Britanniques ne connaissaient aucun détail de la prison (juste une photo haute altitude prise par un Spitfire au cours des recherches de site V1)
6. Le nom Jericho n’a jamais été donné pour cette mission (Ramrod 564) et inventé en 1946 pour le film d’Henri Calef (avec le concours officiel de la RAF)

Donc question pourquoi ? Car le bombardement semble inutile.

Une attaque aussi osée ne pouvait qu’inciter les Allemands à penser que certains prisonniers devaient être libérés coûte que coûte et que si cela ne pouvait se faire il était impératif de les tuer. Les Anglais devaient faire croire qu’ils voulaient à tout prix empêcher des résistants ou des agents secrets enfermés dans cette prison de révéler les secrets dont ils étaient dépositaires….
La situation géographique de l’objectif de la mission pouvait en effet confirmer aux Allemands l’idée, insinuée par d’autres moyens, que le débarquement des Alliés était imminent et se déroulerait sur les côtes du Pas de Calais ou de la somme et que la résistance y jouerait un rôle important.

Pour que l’opération soit crédible il fallait aussi montrer que le bombardement soit précis et bien préparé (et non accidentel) : destruction des murs, minimum de dégâts, c’est pour cela que les moyens furent importants (d’ailleurs l’évasion a fonctionné puisque 258 prisonniers se sont évadés dont 79 résistants mais 102 sont morts durant l'explosion et les 2/3 ont été capturés).
Les Anglais savaient qu’il y aurait inévitablement des victimes civiles mais diaboliquement cela servait aussi leur plan.
Ensuite, pendant 60 ans les Anglais ont du cultiver cette version officielle conforme au récit de ce raid paru dans le Sunday Graphic de Londres le 29 octobre 1944 : la libération de 120 patriotes français condamnés à mort le lendemain, ce qui – comme nous le savons maintenant- était une pure invention:
- le film de Henri Calef (sûrement à son insu)
- Le nom de Jericho
- Commémoration chaque année d’officiels Britanniques(arrêtée en 2004 !)
afin que les Français n’aient rien à reprocher à la RAF et au Gouvernement Britannique qui avait sacrifié 200 d’entre eux dans le cadre de Fortitude.

Amicalement
Stéphane