Bonjour à tous,
Un de mes lecteurs est un Evadé de France (né en 1924). Comme il fut interné quelques temps à Lerida, comme mon père, nous avons sympathisé et nous nous téléphonons de temps en temps. Il est, dit-il d'une voix jeune, très ému et surtout heureux de voir qu'une "jeune femme" (sic ! merci !) s'est intéressée de près à l'épopée de ces Evadés.
Bref. Il m'a envoyé son petit journal de guerre (quelques pages) et j'y ai noté quelques éléments intéressants pour nous tous.
1/ Il a passé la frontière espagnole en octobre 43, au cours d'une nuit de tempête qui est restée dans les annales du genre, rappellée dans l'ouvrage de Mme Eychenne (Montagnards de la liberté). Bien après le "fatidique 1er aout 43", donc. En pourtant, il écrit dans son journal, dès le passage du col de Burat, "Nous sommes désormais des Français libres !"
Un peu facile, j'en conviens et vous serez d'accord ! mais... je me pose une question: y avait-il en France avant 44 et le "grand ralliement", des rumeurs optimistes, des ouï-dire béats ou mal informés, qui auraient pu laisser supposer à ces jeunes gens (il avait 19 ans) qu'en passant la frontière espagnole et en rejoignant le Maroc, ils seraient, de facto, des Français Libres, à n'importe quelle date ? Que savait-on vraiment des FL en métropole ? des légendes qui faisaient réver les jeunes... ?
2/ Ce Monsieur, après une aventure abracadabrantesque, réussit à parvenir à Gibraltar, puis Casablanca, le 25 février 44. A cette date, toujours le meme cérémonial que mon père avait connu en juillet 43: hymne, marches militaires, discours enflammés, centre de triage. Il révait d'entrer dans la Marine, après quelques péripéties, il est dirigé le 26/3/44 vers le centre de formation maritime "Sirocco" à Cap Matifou, près d'Alger.
Je cite " Deux hôtes de marque figurent à l'effectif su centre, l'acteur Jean GABIN, second-maître et Marcel CERDAN, quartier-maître (...) Bénéficiant tous deux d'un régime de faveur, je ne verrai que rarement le premier et seulement une fois le deuxième, lors d'un match de boxe disputé à l'intérieur du camp."
Jean GABIN, nous en avons déjà parlé, mais, saviez-vous, pour Marcel CERDAN ?
Au camp, il prend des cours de voile et d'aviron (!!). Comme il est cordonnier dans le civil... on lui propose les postes d'infirmier, ou commis aux vivres, ou fourrier, mais à terre. Lui, souhaite être affecté dans une unité (vraiment) combattante le plus rapidement possible. Il estime avoir déjà perdu beaucoup de temps. Il pense quelques jours s'engager dans le 1er bataillon de choc, qui recrute des volontaires. Mais le commandant le retient dans la marine et l'affecte quelques jours plus tard sur le torpilleur "Tempête", en qualité de radariste et écouteur "Asdic". Ce torpilleur accompagne divers convois de troupes, matériels ou ravitaillement dans toute la Méditerranée. Il escortera les bateaux partis de Tarente le 10 aout 44, pour le débarquement en Provence et fera ensuite plusieurs voyages entre la France et l'Afrique du nord, côte à côte avec les "Jeanne d'Arc", le "Lorraine", le "Duguet Trouin" et le "Simoun" et escortent un moment "le glorieux sous-marin Casablanca partant en réparation en Amérique".
A partir de février 45, le "Tempête" patrouille dans les eaux italiennes, avec le "Trombe", pour bombarder des positions ennemies aux environs de Vintimille et San Remo.
Le 7 mai, en escale à Monte Carlo, le torpilleur est envoyé en urgence à (Sétif) Philippeville où (ils) "procèdent aussitôt au bombardement des positions occupées par les rebelles et à quelques reconnaissances à l'intérieur des terres"
Il est démobilisé le 26/10/45 et fait carrière dans la Gendarmerie nationale. Quant à son ami, qui avait passé la frontière en même temps que lui, il fut tué en Italie le 17/6/44 à Centeno, dans les rangs de la Légion.
L'un des autres hommes passés en même temps que lui en Espagne était le capitaine Maurice RENDIER, auteur de "Quatre ans dans l'ombre".
Voilà, pour les amateurs de marine, de torpilleurs... ou de petites histoires qui font la grande.
A plus tard, Frédérique |