Excusez mon humour qui souffre lui aussi de la chaleur (n'ayant pas de cave comme Francis).
Plus sérieusement, voici un débat bien intéressant ma foi.
Joffre n'était pas un génie : je crois que tout le monde est d'accord.
Mais il connaissait ses classiques, et il avait surtout une résistance nerveuse hors du commun.
La période du 20 août au 10 septembre 1914 est une période d'une tension extrême pour tout le monde. à titre d'exemple plusieurs membres du GQG Impérial allemand craqueront et devront être mis au repos dès la fin septembre (notamment le responsable de la logistique, je vais retrouver son nom).
Les réactions de Bulow, de Von Kluck, de Lanrezac et autres paraissent aussi le signe d'un épuisement nerveux important.
ceci n'enlève rien à leur valeur tactique et stratégique mais à un certain niveau de commandement, les capacités de résistance nerveuse et de conservation du discernement sont bien plus importante que le génie stratégique pur.
Joffre avait aussi une grande qualité pour un Généralissime : la capacité d'écoute et d'empathie nécessaire pour assurer la cohésion d'une "équipe" internationale.
Enfin, il a montré une rare qualité d'adaptation et de mobilité, aussi bien physique (il est partout) qu'intellectuelle, il change de plan et s'adapte à la situation.
Ces qualités sont bien plus grandes que celles d'un stratège. C'est ce qui fait la différence entre un Eisenhower et un Patton (pour prendre deux extrêmes).
Il mets en route un plan qu'il a grandement contribué à faire adopter mais dont il ne contrôle pas la mise en pratique de détail (on ne peut lui reprocher des problèmes d'opération tactique aussi dramatiques soient-ils, ni des problèmes d'uniforme qui font débat jusqu'à l'assemblée nationale !).
Les catastrophes intervenues lors des batailles des frontières l'amènent à changer progressivement de vision et à réagir par une vigoureuse retraite.
Enfin c'est son intervention personnelle qui permettra l'engagement de l'armée anglaise sur la Marne, élément déterminant pour la victoire.
La suite de la guerre sera plus problématique pour lui, mais on ne peut lui reprocher sa manière de conduire le début de la Grande guerre : il fit ce qu'il fallait pour ne pas perdre alors que tout était perdu...
Il est curieux qu'on le juge à l'aune de sa plus grande victoire...
Il est curieux que l'on ne se rende pas compte que les déroutes du XVème et XVIème corps sauvèrent l'armée française (en la sortant du "fond du sac" et en permettant une retraite).
Je travaille depuis des années sur une comparaison entre les deux campagnes août 1914, mai 1940, et j'espère un jour pouvoir vous livrer le fruit de mes modestes analyses...
Au-delà des poncifs d'un livre polémique, je trouve que l'on est injuste avec le généralissime en le critiquant sur ce qu'il a bien fait (La Marne), en oubliant ce qu'il a mal fait... (le sanglant "je les grignote" de 1915)
Comme dirait ma grand mère, c'est "laver à coté de la tâche"...
Cordialement,
CM |