Bonjour ou Bonsoir,

Si Henri FRENAY, le créateur de "Combat", est sans doute l'un des chefs résistants les plus cités par les historiens dans leurs travaux sur les mouvements, personne n'avait encore entrepris d'écrire sa biographie.
Robert Belot est un spécialiste des questions idéologiques sous l'Occupation. Auteur d'un excellent essai sur l'écrivain collaborationniste Lucien Rebatet, il sait les avantages et les limites du genre biographique. Or, il estime que c'est le genre le plus légitime pour approcher et saisir avec finesse la personnalité complexe et la progression de l'engagement de Frenay.
Robert Belot assure que "l'approche biographique permet de mieux cerner la dialectique du singulier et du collectif, mais aussi d'éviter de réduire l'événement à l'événementiel, tout en se gardant de cantonner le phénomène politique au cadre étroit du champ politique institutionnel ou partisan." Voilà une remarque pleine de sagesse qu'il est nécessaire de reproduire à l'intention de celles et ceux que le genre biographique crispe et perturbe.
Robert Belot :
"Né en 1905 et mort en 1988, Henri Frenay est à l'image de ce siècle. Il est l'un de ces rares hommes qui ont fondé la Résistance, lorsque la France, défaite et démoralisée, était aux prises avec l'ordre nazi et soumise à l'emprise du régime de Vichy. L'homme résistant, particulièrement de la France "du dedans", se trouve effectivement dans une posture unique de responsabilité et de liberté; il devient un producteur, un inventeur d'histoire dont la fin n'est écrite nulle part et qui dépend d'événements hors de portée.(...) Chez Frenay, cette incursion dans l'Histoire n'est pas accident. Elle a une antécédence avant la guerre. Au milieu des années trente, le jeune officier, au moment même où il entre à l'Ecole de guerre, rencontre Berty ALBRECHT qui l'ouvre sur des horizons politico-intellectuels très éloignés de son milieu familial et professionnel marqué par un fort conservatisme; par son engagement au service des réfugiés antifascistes et antinazis, cette haute et tragique figure du féminisme lui permet d'accéder aux questions brûlantes qui menacent l'Europe, questions que Frenay ira étudier à l'université de Strasbourg, au centre d'études germaniques. Ainsi, à la veille de la guerre, Frenay est un des rares officiers français dont le regard sur l'Allemagne est libéré de l'habitus nationaliste et germanophobe." (Robert Belot p.11-12)
On voit, dès le préambule, que l'auteur propose un premier portrait nuancé de son sujet d'étude, portrait bien loin de tous les clichés alignés depuis près de 60 ans sur un personnage beaucoup plus complexe que ce qu'en disent la plupart des essais traitant de l'histoire politique des mouvements de Résistance et des choix idéologiques de leurs chefs.
Belot encore :
"A l'origine de ce contentieux mémoriel, il y a certainement le fait que cet homme soit apparu comme l'opposant cardinal d'un héros national, Jean Moulin; la mort glorieuse de l'homme chargé de rapprocher la Résistance de la France Libre a nimbé son destin d'une dimension quasi sacrée. Le chef de Combat s'est affronté avec Moulin pendant la guerre (il n'était pas le seul, mais sa position centrale a donné un écho particulier à sa position.) Or, le combat n'a pas cessé après la guerre : Frenay a fait subir à Jean Moulin une opération brutale de démystification." (p. 13)
Le biographe a voulu répondre à deux questions centrales :
1) Comment devient-on un "inventeur" de la Résistance
et
2) Que devient-on après la Résistance ?

La lecture de cette étude biographique remarquable tend à confirmer que Robert Belot a parfaitement atteint son objectif en apportant des réponses nuancées à ces deux questions essentielles.


Cordialement,

René Claude