
Le 18 juillet 1947, au terme du procès de Nuremberg, les sept condamnés à une peine de prison sont internés à Spandau : Baldur von Schirach, 40 ans, ancien chef des Jeunesses hitlériennes, condamné à 20 ans de détention; Karl Dönitz, 56 ans, ancien commandant en chef de la marine de guerre, condamné à 10 ans de détention; Konstantin von Neurath, 74 ans, diplomate, condamné à 15 ans de détention; Erich Raeder, 71 ans, ex-grand amiral de la flotte, condamné à vie; Albert Speer, 42 ans, architecte et ancien ministre de l'armement, condamné à 20 ans de détention; Walter Funk, 57 ans, ancien président de la Reichsbank, condamné à perpétuité; enfin Rudolf Hess, 53 ans, bras droit d'Hitler, condamné à perpétuité.
La prison de Spandau est placée sous l'autorité des Alliés. Américains, Russes, Français et Anglais se relaient de mois en mois pour assurer la garde des détenus. De 1947 à 1972, Eugène K.Bird, lieutenant-colonel de l'armée américaine, sera le commandant de la prison.
J'avais la garde des sept prisonniers non condamnés à la pendaison et qui tournaient en rond, en traînant les pieds, dans le jardin qui s'étendait derrière la prison. Je crois bien m'être promis, dès le début, de noter ce que j'apprendrais sur ces hommes. Comme les années s'écoulaient et que, sur les sept prisonniers, il n'en restait plus que trois, je commençai de coucher sur le papier mes impressions sur la vie pénitentiaire. Puis lorsqu'il n'en resta plus qu'un - Hess -, mes chefs me pressèrent d'écrire un livre. "Tout ce que tu enregistres, Gene, relève du domaine de l'histoire, me dit un officier très haut placé. Et cela mérite d'être publié."
Ce qui finalement fit pencher la balance en faveur de l'ouvrage que je devais rédiger en puisant dans mes carnets fut la découverte d'un carton que Hess avait apporté avec lui de Nuremberg. Les autorités, pensant qu'il s'agissait de papiers strictement privés, me les remirent m'autorisant à les brûler si je le jugeais bon ... Je laissai ce carton fermé pendant trois ans.
Puis, un beau soir, je l'ouvris. J'en sortis des pages et des pages couvertes de notes serrées écrites au crayon, et d'épaisses liasses de feuilles tapées à la machine, chaque page, chaque feuille portant dans le haut les initiales « RH ». Hess y avait consigné un récit complet de son vol historique et des motifs qui l'avaient poussé à l'effectuer. Ce carton contenait également un agenda où il avait noté les faits de sa vie quotidienne au cours du procès de Nuremberg et les pensées que lui inspirait l'idée de son éventuelle condamnation à mort.
Je mis Hess au courant de ma découverte et il ne put attendre le moment d'examiner ces papiers. Pendant la journée nous lisions soigneusement tout ce qu'il avait écrit et je l'autorisais à conserver la nuit ces dossiers dans sa cellule. "Je vous accorde le droit exclusif de publier ces documents, dans leur totalité ou en partie". (...) (Eugène K.Bird en introduction de son livre)
L'ouvrage relate la vie quotidienne des détenus : les rivalités entre anciens dignitaires du régime - Raeder qui n'avait que mépris pour Dönitz, son codétenu de la marine - leurs travers - Walter Funk, une boule hirsute et peu soignée, leurs activités - Speer, soignant avec passion le jardin de la prison - ....
L'ouvrage raconte essentiellement le parcours de Rudolf Hess. Lorsque ce dernier se retrouve seul à Spandau, une étrange confiance s'établit entre le colonel Bird et son unique prisonnier. Au fil des entretiens, Rudolf Hess "
dévoile-t-il son mystère" ? Rien n'est moins sûr !
Francis Deleu.