La description du livre
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| | De Gaulle / Jean LacoutureEn réponse à -3 -2 Les « Français privilégiés » et les « Français papier » de Francis Deleu le dimanche 03 janvier 2016 à 17h29Bonsoir, ....si quelqu'un trouve les pages des bouquins qui traitent de la question, je suis preneur. Emmanuel Ayant retrouvé mes bouquins éparpillés dans tous les sens avant les fêtes et soigneusement rangés depuis (je ne sais où) par ma tendre moitié, j'ai retrouvé le livre de Laurent Joly, Vichy dans la "Solution finale"
Aux pages 72/73/74, sous le sous-titre Des mesures diverses plutôt qu'un "statut" strictement antisémite, l'historien décrit le cheminement des mesures qui aboutiront à la dénaturalisation de plus de 15 000 Français. Plutôt que de résumer le texte au risque d'en altérer le sens, je le reproduis in extenso: Pierre Laval est hostile à la promulgation d'un statut des juifs. Politicien expérimenté, le vice-président du Conseil a le sens des symboles; il sait que l'adoption d'un « statut » serait perçue, dans l'opinion, comme un alignement de la politique de l'Etat français sur le modèle nazi et ses lois raciales de triste renommée. Il faut ajouter que le « texte aux petits oignons » d'Alibert est un projet irréaliste, dépassant, en sévérité, tous les statuts adoptés ailleurs en Europe. Monarchiste exalté, intégriste de l'antisémitisme d'Etat; passant pour un fanatique même auprès de ses collègues, le garde des Sceaux souhaite tout bonnement traduire dans la loi l'esprit et la lettre du programme de Charles Maurras en 1911 : dénaturaliser tous les juifs français, leur rendre « leur nationalité de juifs » et, de ce fait, éliminer leur influence dans l'Etat. Il n'est pas besoin de précise que la mise en œuvre d'un tel texte poserait d'insurmontables problèmes juridiques, notamment pour les quelque 100 000 juifs de « vieille souche » française.
D'où la nécessité pour Laval de trouver une parade, au travers de mesures moins extrêmes, mais surtout plus pragmatiques.
De fait, les premières mesures antisémites du gouvernement de Vichy ne disent par leur nom mais répondent, grosso modo; aux attentes de la droite nationaliste, hostile, depuis les libérales lois sur la nationalité de 1889 et 1927, au droit du sol et aux « Français papier ». Dès le 17 juillet 1940, une loi n'autorise l'accès aux emplois publics qu' « aux seuls fils de Français ». Les lois du 16 août et du 10 septembre introduisent les mêmes interdictions pour les professions de médecin et d'avocat. Des exceptions sont prévues pour les anciens combattants et des personnalités éminentes. Il est entendu, sans que cela soit formellement inscrit dans les textes, que les personnes concernées occupant présentement ces postes et fonctions seront licenciées. Du jour au lendemain, par exemple, un Français né en France d'une mère française mais d'un père d'origine étrangère peut perdre son emploi de fonctionnaire, de médecin ou d'avocat. Ainsi, Mlle François G., fille d'un Belge naturalisé en 1928, se voit interdire d'exercer les fonctions de professeur de sténodactylographie. De même, au barreau de Paris, 203 avocats, parmi lesquels une soixantaine de juifs, seront exclus.
Des incapacités existaient bien dans la législation de ma IIIème République à l'encontre des naturalisés, mais elles étaient temporaires et ménageaient des futurs droits. Les lois des 17 juillet, 16 août et 10 septembre 1940 édictent des interdictions permanents; elles créent ainsi deux catégories de Français, comme le relève Jacques Maury, professeur à la faculté de droit de Toulouse, avec une courageuse liberté de ton : « Le législateur de 1940 » [...] oppose, en principe, les Français d'origine étrangère aux autres Français; à la catégorie particulière ainsi créée [que Maury baptise avec ironie les "Français privilégiés"] - qui comprend d'ailleurs le très grande majorité des nationaux - il réserve des droits dont tous les autres sont, sauf exception, définitivement et même rétroactivement exclus. L'idée d'une qualité inhérente à la personne, d'une qualité essentielle, se substitue, ou plutôt se juxtapose, à celle d'une nécessaire adaptation progressive. »
Dans le même esprit, une loi du 22 juillet 1940, inspirée du décret nazi du 14 juillet 1933, institue une commission chargée de réviser toutes le naturalisation intervenues depuis la loi « honnie » de 1927. Jusqu'en 1944, 666 594 dossiers seront traités, aboutissant à plus de 15 154 dénaturalisations.
Ces résultats, relativement faibles en proportion, cachent, en réalité, une application implacable de deux procédures spéciales, instituées dès l'automne 1940. La première vise « les délinquants » de toutes origines et de toutes sortes, du condamné de droit commun à l'ancien communiste. La seconde vise explicitement les juifs, comme l'a analysé Patrick Weil : tous les dossiers de naturalisations sont ouverts afin de les repérer; on se fonde, pour cela, sur l'aspect du patronyme ou sur les actes de naissance mentionnant la religion. De fait, alors que les non-juifs « non-délinquants » ne seront qu'exceptionnellement dénaturalisés, 78 % des juifs naturalisés passés entre les griffes de la commission perdront leur qualité de Français. Au total, près de 40 % des dénaturalisés seront juifs. Avec mes meilleurs vœux à tous nos hôtes,
bien cordialement,
Francis. |
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