Quel aurait été l'intérêt de de Gaulle de travestir la vérité, longtemps après la mort d'Huntziger ? Rappelons-nous le contexte.
De Gaulle suggère à Reynaud de remplacer Weygand par Huntziger. Reynaud hésite. De Gaulle part à Londres voir Churchill. Celui-ci réclame que des actions militaires soient menées en métropole pour fixer une partie des troupes allemandes. L'idée du réduit breton, évoquée depuis quelques jours, doit lui plaire. Le royaume Uni pourra apporter sonu on le laisse entendre, on dit qu'on est là pour obé soutien par Brest et Lorient, tenus fermement par Laborde et Penfentenyo. De Gaulle rentre en France et Reynaud l'envoie aussitôt au quartier général d'Huntziger, à Arcis-sur-Aube, pour sonder ce dernier sur l'idée de le nommer généralissime. Pour tout général ambitieux, la proposition est flatteuse et, dans un tel cas, on peut être prudent mais on ne dit pas non, on dit oui ou on le laisse entendre, on dit qu'on est là pour obéir. L'idée à la mode du réduit breton a été forcément évoquée et de Gaulle a compris que le potentiel généralissime était favorable aux idées du gouvernement. De Gaulle repart pour la conférence de Briare, Huntziger n'est pas nommé, tout s'accélère et bientôt ce qui n'était pas encore effondré le devient.
Huntziger, avec le recul du temp 10 s, n'a pas laissé le souvenir d'un général particulièrement brillant ni avant la percée allemande ni pendant. Les analystes militaires paraissent d'accord là-dessus et la synthèse reprise dans Wikipédia est intéressante à cet égard. Le 10 mai, alors que le général sait par ses observateurs aériens que les forces allemandes entrent depuis le matin en masse dans les Ardennes, il masse sa soirée au théâtre, mais c'est anecdotique. Il n'affirme pas un esprit particulièrement chevaleresque en reportant sur le général Corap la responsabilité de ses propres insuffisances, mais il faut bien se défendre. Si l'on ne peut discerner l'intérêt de de Gaulle à ne pas rapporter exactement ce qu'il a compris d'Huntziger au sujet du réduit breton,, idée d'ailleurs vite abandonnée au profit de l'Afrique du Nord, on voit bien celui d'Huntziger à se désolidariser de de Gaulle. Le général va commencer en effet sa carrière vichyste et collaborationniste. Il est ministre de la guerre (terre) le 1er septembre 1940 (1er gouvernement Laval). Il l'est lors de l'entrevue de Montoire où Pétain propose les services de l'armée d'armistice pour réduire l'Angleterre, et du discours fondateur de la collaboration le 30 octobre 1940. Il est en septembre 1941 commandant en chef des forces terrestres vichystes.
La veille de sa disparition, il se rend à Mers-el-Kébir pour honorer les morts (très bien) tout autant que pour nourrir la propagande contre la résistance anglaise (V. les les actualités cinématographiques). Qu'aurait-il fait par la suite si la mort ne l'avait saisi ? Son service à Paris est présidé par Brinon, avec au 1er rang Stülpnagel et Speidel. L'action publique étant éteinte, Charles Huntziger n'a pas eu de procès après la Libération mais il lui reste les appréciations de quelques'uns de ses contemporains et celles des historiens. |