Au moment de Montoire, le 24 octobre 1940, Hitler se débat comme un diable dans un bénitier pour échapper aux conséquences d'une situation imprévue de tous : le maintien dans la guerre de l'Angleterre naguère apaiseuse après un effondrement militaire de la France, en raison de l'arrivée in extremis de Churchill au pouvoir et du mélange de souplesse et de brutalité qui lui permet de s'y maintenir.
Car les offres de paix transmises via la Suède le 6 mai 1940 vers Londres et Paris, et réactivées après la percée de Sedan (au moins à Paris par Nordling) prévoient tout autre chose qu'une occupation prolongée de la France : la paix (signifiant en filigrane les mains libres à l'est) en échange de rien du tout, sinon Briey, Eupen, Malmédy et une colonie qui se révélera être Madagascar, en vue d'une "Solution finale de la question juive" plus étirée que dans l'histoire réelle.
Les amabilités de septembre 1939 envers la France pourtant belligérante ne sauraient donc s'expliquer comme tu le suggères (et c'est moi qui passe pour prêter à Hitler trop de calculs à longue portée !).
Ce que prouve le comportement du dictateur, y compris ses discours si on sait les lire, quand il le faut, entre les lignes, c'est qu'il veut attaquer la France au printemps suivant (je ne crois pas du tout aux prétextes météorologiques utilisés pour retarder l'attaque) et l'écraser rapidement, en sorte de rétablir la paix à l'ouest et de s'occuper en temps voulu de l'espace "vital" à conquérir sur les Slaves.
Le discours officiel, tout comme les ordres de modération donnés à la marine ou à l'armée de terre, sont donc à considérer comme des diversions. Il s'agit de faire croire que l'Allemagne, s'estimant dans son bon droit quand elle a frappé les insolents Polonais, ne comprend goutte à la déclaration de guerre anglo-française, la trouve aussi immorale qu'illogique et l'attribue à une conspiration des Juifs qui ne rêvent que d'anéantir l'Allemagne.
C'est un des cas les plus flagrants et les plus intéressants de mensonge hitlérien à visées multiples. Son intérêt est de faire croire à la fois
-que l'Allemagne, déboussolée non seulement qu'on lui fasse la guerre mais qu'on ne saisisse pas son offre de paix du début octobre 39, n'a plus, après la conquête de la Pologne, ni politique ni stratégie (et un Frieser le croit encore aujourd'hui, ainsi que tous ceux qui cherchent en lui la lumière);
-que son dictateur est décidément un peintre en bâtiment qui ne connaît rien au droit et ne suit que ses humeurs;
-que la France peut dormir sur ses deux oreilles tout en faisant tourner ses usines d'armement, afin d'emporter la décision par un feu roulant deux ou trois ans plus tard si la bourgeoisie allemande s'est obstinée à ne pas renverser l'aventurier. |