" Rédigé par Bidault avec l'aval de Moulin, ce texte témoigne autant d'une défiance envers les appétits militaires du Général que d'un rejet de sa stratégie du tout-militaire-extérieur qui a échoué tout en ayant toujours eu pour visée de réduire l'AS à une force d'appoint. Au demeurant, Moulin n'a pas manqué de signifier clairement ses vues dans sa lettre à Philip du 4 juin : « Les accords d'Alger ne régleront jamais la situation en France et c'est ici même qu'il [de Gaulle] doit chercher ses appuis. »
Pour Moulin, à dater de la constitution du CFLN, de Gaulle n'est plus l'unique récipiendaire de la légitimité. Au CD-MUR du 8 juin, il présente un texte du comité de coordination de la zone nord et demande à celui de la zone sud de le cosigner 1. En réalité sorti de la plume de Moulin, ce texte, aussitôt câblé à Alger, entérine le partage du pouvoir entre de Gaulle et Giraud : « Comités de coordination zone nord et sud saluent avec joie profonde constitution Alger organe de gouvernement unique. Se félicitent des résultats qu'avez obtenus. Vous font confiance totale pour affirmer plus encore principes pour lesquels sont groupés derrière vous. Vous prient transmettre chaleureuses félicitations général Giraud Z. »
En clair, Moulin, au nom de la Résistance, reconnaît Giraud comme coprésident du CFLN sans le contester comme chef militaire. En revanche, de Gaulle se voit réclamer une défense plus intransigeante des principes au nom desquels le CNR l'a légitimé. L'avertissement est transparent. Si de Gaulle trahissait dans sa marche au pouvoir les principes pour lesquels les mouvements se sont groupés derrière lui, la Résistance ne le suivrait plus. Moulin a signifié ailleurs la même idée. Dans sa lettre du 10 juin à Pierre Kaan, secrétaire du Conseil de la résistance, il écrit: « (...) la résistance "gaulliste" doit maintenir sa position "gaulliste". Que des nécessités politiques et extérieures du moment amènent le général de Gaulle à composer et à accepter certaines formules transactionnelles, c'est son devoir d'homme d'Etat. La résistance intérieure, qui veut maintenir sa pureté et son indépendance, doit, elle, maintenir sa ligne, sous peine de faillir à tous ses engagements 3. »
Bref, il y a « "gaullistes" » et gaullistes. Purs et indépendants sont les résistants en France. Prêts à composer et à transiger pour le pouvoir sont les autres. La Résistance doit donc plus que jamais ne compter que sur elle-même, et d'autant plus à l'approche du débarquement. "
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