Canaris, comme schellenberg, est un personnage complexe et je ne peux que renvoyer aux livres de Heinz Hoehne (excellent) et de Abshagen.
J'ai beaucoup de mal à faire de l'un ou de l'autre une caricature mais Canaris est un militaire qui a une haute opinion de l'armée et de sa mission et un vrai nationaliste allemand qui prévoit les conséquences désastreuses pour son pays de la politique d'hitler à l'ouest. Toutes sa complexité réside dans ce conflit intérieur et il veut trouver une solution avec les alliés en affaiblissant hitler et les nazis sans faire trop de tord à son pays. Il doit donc comprendre l'évolution et les possibilités d''entente avec l'ouest. Il est trop intelligent et trop soigneux pour ne pas avoir des agents en Angleterre probablement, pour certains d'entre eux, au travers du Vatican et d'autres au travers de l'Espagne et du Portugal, qui le renseigne sur l'évolution et les possibilités de négociations avec les "Anglo-Amricains". Il donne des gages en transmettant des plans secrets d'armements et il lui faut, bien sur, de l'information précise et du feed-back pour préparer ses discussions avec les alliés au travers du Vatican et de Joseph Müller.
Il est clairement au courant de Torch avant l'opération et il ne va rien dire à hitler qui lui en voudra beaucoup de ne "pas avoir vu venir" le débarquement allié. Il n'a pu, selon moi, l'apprendre que d'agents en Angleterre
schellenberg est un oiseau totalement différent. Il a aussi compris (au moins dès 1941), peut être en faisant du cheval à Berlin avec Canaris, qu'une guerre avec l'ouest serait fatal au régime nazi. Il est ambitieux non pas seulement en visant l'ensemble des services secrets, comme le répètent inlassablement les historiens, mais en fait la diplomatie nazie qui l'a enivrée alors qu'il néggociait ce qui se terminera par Venlo. Au contraire de Canaris, schellenberg est un vrai nazi pur et dur mais qui cache son jeu en permanence à tout autre qu'à ses supérieurs. Il joue de son physique avenant et bon enfant et son personnage social est rond et bon enfant quant sa politique est profondément nazie. A Venlo avant d'enlever le capitaine Payne Best et le commandant Richard Stevens, il a compris que les Anglais ne négocieraient qu'avec ceux leur apportant la tête d'Hitler (ce que bien sûr il ne peut faire) ou, selon schellenberg, une monnaie d'échange suffisante. Apôtre du Weltanschauung allemand, il est sincèrement convaincu comme les nazis qui se sont fait une sorte de lavage de cerveau collectif sur une longue période, que les juifs tirent toutes les ficelles en Occident. Il est comme Canaris très agile dans les situations complexes et va donc conjuguer son nazisme féroce avec l'objectif de ses négociations concernant les alliés anglo-américains: la monnaie d'échange seront les juifs qu'il fait massacrer avec le cynisme le plus total. Comme cela ne fonctionne pas autant qu'il veut (car le principe de base auquel il adhère émotionellement est faux) il va, mettant un deuxième fer au feu, suivre l'évolution du complot contre hitler en espérant le remplacer himmler dont il est l'âme damnée. Il est prêt en cas de succès à tirer les marrons du feu et commence ses négociations avant l'attentat et en proposant l'arrêt des massacres (sur lesquels il prétendra après guerre n'avoir eu aucune influence). Quand l'attentat échoue, il fait arrêter tous les conjurés qu'il connait personnellement pour un grand nombre (y compris certains militaires), ce qu'il aurait fait de toutes façons pour assoir l'autorité d'himmler en lieu et place des résistants au nazisme.
Il bénéficie d'agent anglais en Angleterre notament mais pas exclusivemetn au travers du réseau Dogwood de Schwartz géré depuis la Turquie. Il a des réseaux sur l'Angleterre qui lui remontent des informations depuis la Suède, il est informé depuis la Suisse avec Eggen/Masson et Haussaman (un anti nazi dont il a pénétré le réseau). Il fait remonter des informations du Vatican par Hoettl et Joseph Müller avec qui il a un jeu aussi ambigu que Joseph Müller a avec lui.
L'absence de décryptage Enigma sur schellenberg (je n'en ai pas trouvé et ce n'est pas faute d'avoir cherché) provient du fait qu'il avait fait développer des sortes de concentrateurs de messages qui transmettaient ses radios en moins d'une seconde (il l'admet à demi mots lors d'opération en Ukraine dans ses mémoires) et que nous n'avons semble-t-il jamais détectés.
La lecture de son livre d'instructions aux Einsatzgruppen de l'opération Sea Lion, montre une connaissance profonde de l'Angleterre de son fonctionnement, de qui fait quoi politiquement et militairement. Les interrogateurs anglais vont néanmoins dire qu'il ne savait rien sur l'Angleterre et qu'il était pas très intelligent: qui veut tromper qui? Il est impossible de prétendre qu'il n'avait pas des informations de premières mains enprovenance d'Angleterre. D'ailleurs Kim Philby jouait aussi un jeu ambigu avec Schroeder/Laufer, le chef d'agence de schellenberg au Portugal et membre du réseau Dogwood qui compenait (comme déjà indiqué des agents britanniques. Le monde de l'espionnage est un monde qui ignore le blanc et le noir et où tous les agents d'un certain niveau, pour collecter de l'information, lâchent de l'information et se servent de leurs agents locaux pour croiser les informations.
schellenberg était trop bien informé (malheureusement) pour ne pas avoir eu des agents infiltrés autres que le Druide. L'arrogance des services secrets britanniques qui ne relachent que des sources de pays neutres (bien sûr en les dévalorisant) trahit leur embarras alors qu'ils tentent de blanchir schellenberg de ses crimes en le faisant passer pour un maïtre espion du Amt VI alors qu'il a passé plus de temps au service d'Heydrich et de la Gestapo qu'il ne quitte vraiment qu'en janvier 1943 en ayant mis un homme à lui dans son fauteuil.
J'espère que ceci répond à votre question dont je ne suis pas sûr d'avoir parfaitement perçu le sens. |