Selon Cordier :
Lundi 3 mai 1943
Distribution des budgets
Moulin, reparti pour la zone sud, m'a prescrit quelques distributions de budgets, notamment à la CGT et à deux nouveaux groupes, le Syndicat chrétien et Défense de la France.
Après la CGT, à qui je donne la plus grosse somme (1,2 million de francs), je suis curieux de rencontrer le responsable du Syndicat chrétien, qui me fixe rendez-vous à son bureau, situé dans l'immense local du quai Branly.
L'incroyable confiance aboutissant à donner son adresse, ne serait-ce que celle de son lieu de travail, est une des différences, que je remarque non sans inquiétude, avec la zone sud. Là-bas, à l'exception des responsables du CGE, rencontrés à leurs domiciles — cela m'avait semblé naturel au début de ma mission et une folie ensuite —, tous les résistants me donnaient rendez-vous au coin des rues ou sur les quais. A Paris, il en va autrement.
L'accueil de ce dirigeant me semble très confiant : non seulement il me reçoit dans son bureau, mais il me fait asseoir et me questionne... sur la Résistance. Curieusement, cet homme engagé ignore presque tout des mouvements.
Les 40 000 francs me valent des remerciements chaleureux : « Je serais heureux de vous revoir quand vous le souhaiterez. » D'une certaine manière, cet accueil singulièrement amical m'inquiète : le représentant de la CGT, auquel j'avais remis plus de 1 million, m'avait à peine dit bonjour, puis quitté si vite que c'est à croire qu'il redoutait que je lui reprenne son argent ! |