"Je ne retrouve pas le passage en question mais il me semble que je ne niais pas toute connaissance par Himmler des préparatifs."
Le voici :
"La trahison de Himmler, dès qu'on a compris cela, est simplement impossible, et si on y ajoute foi en prenant au premier degré un certain nombre de documents et de témoignages, c'est qu'on n'a pas compris, sur l'essentiel, le fonctionnement du régime, qu'on est est toujours (dans une tradition initiée vers 1920 dans la presse bavaroise !) à le prendre pour un panier de crabes mafieux."
Vous avez évolué. Je ne vous le reproche pas, au contraire.
"Cela va même dans mon sens, puisque j'ai la très forte impression que toutes ces conspirations dont on nous parle depuis la veille de la remilitarisation de la Rhénanie étaient largement infiltrées. Mais le jeu est risqué, évidemment, et quelque chose peut échapper : en l'occurrence, le fait qu'une personne ayant ses entrées aux conciliabules d'état-major chez Hitler, à savoir Stauffenberg, était en possession d'une bombe et décidée à s'en servir. Tant qu'on n'avait pas pris conscience de cela, on pouvait toujours laisser courir, et discourir, un Beck ou un Goerdeler."
Sauf qu'en laissant courir et discourir un Beck et un Goerdeler, étroitement surveillés, on remonte inévitablement à Stauffenberg puisque tous se rencontrent à de nombreuses reprises et, de mémoire, jusqu'au 18 juillet 1944. Sans parler du reste...
"Quant au deuxième défi (trouver une réelle trahison, nettement plus nuisible qu'utile aux nazis, avant le printemps 1944), vous ne le relevez pas."
Je vous en donne trois :
La tentative d'assassinat contre Hitler de mars 1943 par l'introduction d'une bombe dans l'avion qui devait le ramener du QG du groupe d'armées centre à la Wolfschanze.
La livraison en 1941 aux Anglais du plan d'attaque allemand contre l'URSS qui, évidemment, font suivre aux intéressés.
L'intoxication en 1943 de l'OKW par Canaris au sujet de l'attitude de l'Italie dont l'Abwehr annonce qu'elle restera loyale en sachant bien que celle-ci va changer de camp.
"Alors que, par exemple, le fait que les fuites sur une attaque contre le Benelux le 10 mai 40 ont favorisé, loin de la gêner, la percée de Sedan, me semble un bel exemple de l'intérêt qu'avaient les nazis à laisser agir Oster."
Mais les fuites ne concernent pas que l'attaque contre le Benelux. Les fuites portent sur tous les projets allemands. Le problème est que les destinataires n'y croient pas et pensent à une manoeuvre d'intoxication. Il arrive parfois que certaines actions produisent des conséquences inverses de celles attendues. Les complots existent mais il ne faut pas en voir partout pour autant. L'hypothèse que les nazis aient laissé agir Canaris, Oster et compagnie n'est pas sérieuse quand on sait les informations que ces derniers ont livré aux Occidentaux.
"Cela dit, je suis loin d'être au bout de mes investigations et j'admets que je n'ai pas encore une connaissance assez détaillée de toutes ces menées. Ma thèse est fondée sur une connaissance générale du Troisième Reich et de son fonctionnement manipulateur, approfondie sur un certain nombre de dossiers, de l'arrêt devant Dunkerque à la mort de Mandel."
Je savais bien que vous seriez capable d'accepter l'idée d'une remise en cause. Je m'en réjouis pour vous.
"Pour ce qui est de la "trahison" de Himmler, je n'ai pas encore tellement travaillé dessus et mon idée qu'elle est fausse reste en partie une hypothèse de travail."
Je pense que c'est une piste intéressante et qui devrait vous conduire assez loin.
"En revanche, il est clair pour moi qu'en février 45 et jusqu'à sa mort Hitler garde une grande partie de ses aptitudes et de ses habitudes. L'idée qu'il se terre en refusant de croire les mauvaises nouvelles est archi-fausse. L'affaire de la "terre brûlée" qui permet à Speer de sauver sa tête à Nuremberg est une faribole : si Hitler avait voulu brûler l'Allemagne il l'aurait fait. Et le fait qu'il ait fait semblant en dit long."
Je n'ai pas d'avis sur l'affaire de la terre brûlée que je connais mal. Speer, en revanche, n'est pas crédible quand il tente de se faire passer pour un opposant. Il écrira dans ses mémoires, à propos du 20 juillet 1944, qu'il s'était rendu au Bendlerblock pour y faire cesser les exécutions de conjurés, ce qui est bien évidemment fantaisiste. De mémoire, le même Speer, en captivité, demandera à Otto Skorzeny de témoigner en sa faveur à propos de je ne sais plus quelle histoire. Cela va dans votre sens. Même s'il n'est pas impossible que Speer, à un moment donné, ait décidé d'arrêter les frais.
S'agissant de Hitler, il me semble assez évident qu'il a totalement perdu la main à la période que vous évoquez. C'est un homme malade, gravement malade, diminué par la maladie, totalement coupé du monde extérieur et qui vit reclus au milieu d'un petit groupe de fidèles. |